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à la rivière et s’y baignait à sa fantaisie. « Tout le monde, dit La Bruyère, connaît cette longue levée qui borne et qui resserre le lit de la Seine du côté où elle entre à Paris avec la Marne, qu’elle vient de recevoir ; les hommes s’y baignent au pied pendant les chaleurs de la canicule ; on les voit de fort près se jeter dans l’eau, on les en voit sortir ; c’est un amusement. Quand cette saison n’est pas venue, les femmes de la ville ne s’y promènent pas encore, et quand elle est passée, elles n’y viennent plus. » Des ordonnances du prévôt de Paris défendaient, en 1716 et en 1742, sous peine d’emprisonnement, de se baigner sans être suffisamment vêtu ; c’est de cette époque que datent les premiers établissemens de bains froids sur la Seine. Pendant longtemps, la clôture des bains fut considérée, à l’extrême rigueur, comme un vêtement suffisant pour les baigneurs ; aussi les amateurs de bains à quatre sous ne se gênaient guère et se contentaient du costume primitif dans toute sa simplicité. La préfecture de police publia le 6 juillet 1858 un arrêté qui mit fin à cet abus, qu’une trop longue tolérance avait à tort laissé subsister jusqu’à notre époque. Il existe aujourd’hui dix-neuf établissemens de bains froids, treize destinés aux hommes et six réservés aux femmes. Depuis les premiers jours de mai jusqu’à la fin de septembre, ils sont en permanence ; pendant la saison rigoureuse, ils vont se ranger derrière le garage de Grenelle, de l’île Saint-Louis, de l’Arsenal, au Bas-Meudon et aux îles de Neuilly.

Les premiers bains chauds ont été établis sur la Seine par un nommé Poitevin. Sa veuve, lorsqu’il mourut, épousa son garçon baigneur, Vigier, qui devait donner à ce genre d’industrie une célébrité et une extension considérables. Chacun connaît ces grands bateaux surmontés de constructions plus ou moins élégantes qui stationnent en aval du Pont-Neuf et en amont du Pont-Royal. On y a ajouté depuis quelques années un vaisseau qu’on a appelé la frégate-école, qui est resté longtemps inutile dans les eaux de Neuilly et dont on a cherché à tirer un parti quelconque en y installant des appareils balnéaires. Il n’y a maintenant que quatre établissemens de bains chauds à Paris sur la Seine, et le plus important appartient à un député au corps législatif.

En revanche, il y a vingt-huit lavoirs, dont six sur les canaux et le reste sur la Seine. Ce n’est pas une mauvaise industrie, quoique les premiers frais d’installation se montent à 46,000 francs pour deux bateaux juxtaposés garnis d’auvens et de séchoirs. Le droit d’y travailler se paie en gros 40 centimes la journée, et en détail un sou l’heure ; le seau d’eau de lessive mesurant 12 litres vaut 5 centimes ; un compartiment de séchoir muni de barres se loue 40 centimes pour vingt-quatre heures. On chôme ordinairement le dimanche et le lundi. Ces établissemens, où l’on a de l’eau courante