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alliance avec la Bavière et réunit sur les frontières de la Hesse une formidable armée de 180,000 hommes avec une promptitude qui étonna l’Europe et qui révéla pour la première fois les profonds changemens que l’emploi des chemins de fer avait introduits dans la stratégie. La guerre semblait inévitable. Le prince de Prusse, le roi actuel, la voulait, et même le parti conservateur était entraîné. Déjà, le 8 novembre, des coups de fusil sont échangés entre les avant-postes. Pour en finir, l’envoyé autrichien, M. de Prokesch, le 26 novembre, somme la Prusse d’avoir à évacuer la Hesse dans les vingt-quatre heures. À ce moment suprême, le roi recula de nouveau devant la responsabilité d’une lutte entre Allemands. Il céda ; M. de Radowitz fut renvoyé, et le nouveau ministre, M. de Manteuffel, se précipita jusqu’à Olmutz pour subir la dure loi de Schwarzenberg. La Prusse était obligée de sacrifier ses alliés du Slesvig et de la Hesse et de reconnaître l’autorité de la diète, où sa rivale régnait souverainement. Pour mettre le comble à l’humiliation de son adversaire couché à ses pieds, l’orgueilleux ministre autrichien publia le 7 décembre une dépêche où, d’un l’on hautain, il prononçait l’oraison funèbre des tentatives avortées de Frédéric-Guillaume et se vantait d’avoir rétabli l’ordre en Allemagne.

Ce sont, on le voit, les mêmes péripéties que celles de l’an dernier, seulement les rôles sont renversés. C’est l’Autriche qui avait alors son Bismarck. Elle devait d’ailleurs l’emporter, car elle était soutenue par ce violent courant de réaction qui en ce moment entraînait tout en Europe, tandis que la Prusse s’accrochait en désespérée aux épaves de 1848. Pour réussir en politique, il faut savoir nettement ce qu’on veut, ne poursuivre que le possible, et surtout ne rien vouloir de contradictoire. Si Frédéric-Guillaume visait à unifier l’Allemagne malgré ses princes, œuvre éminemment révolutionnaire, il devait s’allier franchement à la révolution en Hongrie, en Italie, et renverser l’état conservateur par excellence au moment où il était aux prises avec ses sujets soulevés, sinon il fallait se tenir coi et rester dans l’ornière. On s’est aperçu depuis que la leçon n’a pas été perdue. La journée d’Olmutz est une date mémorable : elle se grava dans le cœur de la Prusse, de l’armée surtout, comme un souvenir de pusillanimité honteuse et d’impuissance ridicule. C’était pour la monarchie militaire de Frédéric II une flétrissure dont elle n’a cessé de rêver sourdement la vengeance. C’est sans doute à partir de ce jour que le roi actuel conçut le projet de fortifier l’armée. Sadowa n’a été que la revanche d’Olmutz.

L’Autriche triomphait ; elle se crut toute-puissante. Aux laborieuses conférences de Dresde, elle reprit l’idée de la grande Allemagne, et demanda de nouveau à entrer dans la confédération avec