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Saurait donc être absent d’une œuvre d’art sans que celle-ci perde sa recommandation la plus sûre et son moyen d’action le plus direct sur l’esprit. Le style enfin, dans l’ordre pittoresque comme dans l’ordre littéraire, est le vêtement nécessaire du vrai. Ceux qui, par une exagération de respect pour la matière, se contentent d’en copier les formes nues, les apparences telles quelles, font une besogne au moins inutile, puisqu’ils ne nous montrent rien de plus que ce que nous aurions vu tout aussi bien sans eux.

Tel est au fond l’avîs d’un peintre, M. Couture, auteur d’un livre récemment publié sous le titre de Méthode et Entretiens d’atelier, bien que sur ce point, comme sur plusieurs autres, les opinions exprimées dans cet ouvrage paraissent varier jusqu’à la contradiction. Singulière inconséquence au surplus ! après avoir longuement médit de la critique, dont il prophétise la fin prochaine et qu’il malmène le plus rudement qu’il peut en attendant, l’auteur des Entretiens d’atelier fait acte de critique à son tour et ne laisse pas d’exercer parfois jusqu’à l’abus le droit qu’il refuse à autrui. Nous ne lui reprocherons pas les jugemens plus que sévères qu’il croît devoir porter sur les principaux artistes de notre époque depuis Ingres jusqu’à Delacroix. Si complètes qu’elles soient, à notre avis, de pareilles erreurs ne dépassent point les limites de la critique ; mais lorsque, pour caractériser les aspirations d’une certaine école et les mœurs de certains talens dont les débuts remontent aux premières années du dernier règne, M. Couture nous par le de « peintres crasseux qui ressemblaient à des sacristains, » lorsqu’il se moque de ces « enfans de concierges, ». de ces « gueux » dont les paroles « avaient un parfum biblique, » il commet une méprise d’une autre sorte et une faute moins excusable contre le goût. Il commet en tout cas un oubli, car je ne veux pas croire qu’il se rappelle qu’un de ces apprentis de la peinture religieuse « vers 1832 » se nommait Hippolyte Flandrin.

On le voit, dans le livre de M. Couture, il y a trop et trop peu. En dépit du titre et des promesses que semblait donner le nom de l’auteur, on serait assez mal venu à y chercher des leçons méthodiques sur l’art. On n’y trouvera le plus souvent que des conseils écourtés, des explications interrompues, on ne sait pourquoi, par des confidences dont les futurs biographes de l’artiste feront peut-être leur profit, mais qui ont au moins cet inconvénient de compliquer le sujet. D’où vient par exemple qu’après deux chapitres sur le dessin dans sa plus bette expression et sur le portrait, M. Couture juge nécessaire de nous raconter la vision qu’il eut huit jours durant du spectre d’un arlequin dans l’église de Saint-Eustache ? S’agit-il de pures théories, ici encore la méthode d’exposition manque de rigueur et de clarté, bien que le vocabulaire choisi