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En 1850, au moment où Frédéric-Guillaume était sur le point d’engager la guerre avec l’Autriche pour défendre la confédération d’Erfurt et sauver l’honneur de son pays, le président Louis-Napoléon, représenté à Berlin par un de ses confidens, offrait, contrairement à l’avis de son ministère, de soutenir la Prusse dans l’espoir d’obtenir pour la France quelque accroissement territorial. Le voyage de Baden en 1860 avait été inspiré évidemment par le désir de s’entendre avec la puissance dont l’attitude avait décidé la paix trop hâtive de Villafranca. L’empereur Napoléon depuis son arrivée au pouvoir, M. de Bismarck depuis son séjour à Francfort avaient toujours, chacun de leur côté, nourri la même idée. Se rencontrant, ils devaient aisément s’entendre. La situation de l’Allemagne contribuait aussi à amener ce résultat.

Le besoin de réforme et d’unité y était universel et menaçait de provoquer une crise décisive. La confédération n’était plus qu’un champ clos où la Prusse et l’Autriche se disputaient la suprématie. En 1863, à Francfort, l’empereur François-Joseph, entouré de tous les princes de l’Allemagne, avait semblé sur le point de ressaisir le sceptre de Barberousse et de réduire la Prusse à un isolement aussi complet que du temps de Schwarzenberg. Comme aux conférences de Dresde, il voulait se faire garantir tous ses territoires et entrer dans l’union allemande avec tous ses peuples. C’était toujours l’empire aux 70 millions d’âmes qui reparaissait, et en effet c’était pour l’Autriche une question de vie ou de mort. Elle devait arriver à avoir toute l’Allemagne dans sa main pour contenir les Italiens, les Hongrois et les Slaves, sinon il était évident que la Vénétie irait à l’Italie et que les autres races reconquerraient leur antique autonomie. Puisque l’empereur Napoléon devait choisir entre la Prusse et l’Autriche, était-il possible qu’il inclinât vers une puissance qui représentait alors l’ultramontanisme et l’ancien régime, qui menaçait l’intime alliée de la France, l’Italie, et qui aurait employé les forces allemandes à maintenir sous le joug d’un despotisme abhorré ses populations diverses, mûres déjà pour la liberté, dont elles trouvaient d’ailleurs les titres dans leurs constitutions héréditaires ? L’empereur des Français, ayant entrepris de fonder l’unité italienne par le Piémont, était forcément amené à laisser faire l’unité germanique par la Prusse. Ayant encouragé Cavour, il ne pouvait repousser M. de Bismarck. Les événemens s’enchaînent en réalité avec une conséquence logique aussi serrée que les termes d’un théorème mathématique. Si l’on ne veut pas de telles ou telles conclusions, il faut se garder de poser les prémisses qui doivent infailliblement y conduire. Sadowa n’est que le second acte de Solferino.

La Prusse, assurée de la neutralité bienveillante de la France et