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liste sera dressée concurremment avec leurs commissaires de toutes les places fortes véritablement utiles à la sûreté de la province, les autres devant être démolies dans le plus bref délai. L’assemblée somme enfin le lieutenant-général de lui présenter un état complet des dépenses militaires pour l’année 1596. Deux jours après, Saint-Luc l’adresse aux états ; les trois ordres, délibérant d’abord chacun dans sa chambre, le discutent avec sévérité, et finissent par le rejeter en assemblée générale comme contenant certaines garnisons inutiles. Saint-Luc consent alors à présenter un autre projet plus conforme aux vues de messieurs des états, en réservant cependant l’approbation du roi et en réitérant au nom de Henri IV la promesse de venir bientôt lui-même en Bretagne pour terminer la guerre par un grand coup.

Aucune assemblée n’a discuté de nos jours un budget avec une plus rigoureuse sollicitude que ces états de 1595. La commission des voies et moyens, comme on l’appellerait aujourd’hui, terminait par de graves paroles l’exposé la situation des finances. « Les états tirent avec une extrême compassion la dernière goutte de sang du peuple misérable qui ne respire plus que par espérance d’une prochaine paix ou du secours d’une puissante armée entretenue et conduite par sa majesté. Ils accordent qu’il soit levé extraordinairement pour chacun feu de fouage 3 écus, faisant 100,000 écus et plus, à la condition que le prix de la garde de M. le maréchal sera pris sur cette somme, et qu’il ne puisse se faire aucune autre levée extraordinaire sans leur consentement, sous quelque forme que ce soit. Les états entendent d’ailleurs que le bail à ferme des impôts et billots et autres deniers levés par leur consentement sera fait en leur générale assemblée par MM. les commissaires du roi, comme étant de leurs droits et privilèges, espérant que les enchères s’y feront avec une entière liberté, et sous cette condition entendent consentir lesdites levées[1]. » M. de Saint-Luc résista, paraît-il, très vivement à l’obligation de faire passer l’adjudication des fermes en la salle même des états. Dans la séance du 12 décembre, cette difficulté se reproduit sur l’observation d’une commissaire du roi ; mais l’assemblée, persistant dans son vote, se borne à ordonner de communiquer au lieutenant-général les procès-verbaux d’adjudications antérieures passées en pleins états à Vannes et à Dinan, sous le gouvernement du duc de Montpensier, sans aucune observation des représentans de sa majesté. Dans la même séance, elle désigne trois membres, dont elle notifie le choix à M. de Saint-Luc, pour assister le gouverneur ou son représentant au conseil des finances. Dans leurs cahiers, les états

  1. Registre des états, 2 décembre 1595.