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maintiennent les droits de la province en face d’une royauté dont ils sont les serviteurs ardemment dévoués. Quoique issu de cette maison de Bourbon dont ils défendent si courageusement le droit à la couronne, le prince de Dombes n’a pas de censeurs plus sévères et parfois plus moroses que messieurs des états et du parlement. Les magistrats surtout se montrent impitoyables pour ses légèretés, et n’hésitent pas à reprocher avec éclat au jeune gouverneur de faire la cour aux dames de Rennes lorsqu’il faudrait être tout entier à ses devoirs. Deux députations sont successivement envoyées pour dénoncer ces faiblesses amoureuses à un monarque beaucoup plus indulgent pour ces torts-là que les graves magistrats, qui avaient peut-être de jolies femmes. En butte aux inimitiés du parlement, aux suspicions des membres de la commission intermédiaire, le prince de Dombes s’empresse de quitter Rennes sitôt qu’il le peut faire avec honneur. Les pouvoirs du gouverneur passent aux mains du lieutenant-général pour le roi, d’Épinay Saint-Luc, qui dirige les opérations militaires sous les ordres supérieurs du maréchal d’Aumont ; mais encore que M. de Saint-Luc soit un homme d’un caractère ferme et résolu, la commission intermédiaire ne se laisse aucunement intimider par ses menaces, et sitôt que les états sont rassemblés, le lieutenant-général, placé sur la sellette, se voit arracher chaque jour par leur attitude comminatoire quelque concession nouvelle.

Aux états de 1595, la noblesse et le tiers élèvent par exemple la prétention de constituer un conseil de finances permanent pour assister le gouverneur, conseil sans l’approbation préalable duquel celui-ci ne pourrait faire ordonnancer aucune dépense. M. de Saint-Luc, repoussant cette prétention au nom du roi, par les raisons même que nous pourrions donner aujourd’hui, fait remarquer aux commissaires que ce serait placer le gouvernement tout entier entre les mains des états, et qu’il manquerait à ses devoirs, s’il se prêtait, au préjudice de l’intérêt public, à une aussi dangereuse usurpation. Cependant, après des discussions très vives, le lieutenant-général, pénétré de la nécessité de marcher d’accord avec l’assemblée, accepte la nomination par les trois ordres d’un contrôleur des finances, lequel assistera le gouverneur ou son lieutenant, mais avec une autorité purement consultative.

La situation de la province, écrasée par les garnisons royales autant que par les troupes ennemies, provoque des discussions violentes et fournit matière à des reproches auxquels Saint-Luc répond avec autant de sang-froid que de sagacité. Les états exigent préalablement à tout vote financier la promesse que les quatorze régimens existant nominalement en Bretagne seront ramenés à neuf, toujours maintenus au grand complet de leur effectif, et qu’une