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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/359

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souhaitait une explication. En se plaçant sur un pareil terrain, les états et les commissaires du roi ne tardèrent pas à se brouiller. M. de Rosny parut indigné que des sujets osassent rappeler leurs droits à un souverain au moment où celui-ci s’occupait de leurs intérêts avec une sollicitude si paternelle. Les sieurs Roger, Harpin et Turcant, maîtres des requêtes, furent donc envoyés pour les admonester, mission dont ces fonctionnaires s’acquittèrent avec une raideur tout administrative. « Messieurs des états n’ont pas à entrer en forme de traité avec le roi, mais à délibérer sur ce qu’il leur fait proposer. On ne peut s’arrêter à la demande de confirmation de leurs privilèges, puisqu’il y a bientôt neuf ans que le roi est roi comme aujourd’hui. »

Cette communication provoqua l’envoi d’une députation des trois ordres aux commissaires afin de leur demander déclaration particulière des promesses du roi mentionnées par eux ; mais l’abbé de Sainte-Croix, l’un des députés, ne tarda pas à venir annoncer à l’assemblée que lui et ses collègues « ont très peu profité en leur députation, laquelle a été tenue par MM. les commissaires pour une marque d’irrévérence plutôt que de bonne affection au service du roi, ceux-ci leur déniant en outre la déclaration qu’ils demandaient comme chose qui ne dépend d’eux, mais de sa majesté seule à laquelle il serait fort malséant d’en faire la demande[1]. »

La question se trouvant posée dans de pareils termes par les représentans du monarque, les états agirent peut-être prudemment en n’engageant pas une lutte inopportune. Ils votèrent sans discussion toutes les sommes demandées au nom du roi, en ajoutant au produit des impositions ordinaires les 200,000 écus promis pour le voyage du monarque. L’auteur des Œconomies royales quitta la Bretagne aussi éclairé sur ses besoins et ses ressources que sur les moyens de les mettre en œuvre. Le surintendant, dont la fille épousa l’héritier de la maison de Rohan, fut au conseil du roi le protecteur assidu des intérêts bretons, et c’était toujours à lui que s’adressaient les députés des états chargés de porter à la cour le cahier des remontrances.

Ce gouvernement réparateur cicatrisa promptement les plaies de la malheureuse Bretagne. Au bout de quelques années, elle commença de se repeupler, la corde et la roue ayant fait justice des scélérats qui l’avaient opprimée ; mais ce règne si admiré et sous tant de rapports si admirable profita moins, aux institutions de la France qu’à ses richesses, et sitôt que le grand roi descendit dans la tombe, la royauté se retrouva plus faible qu’elle ne l’avait jamais été. Trop modéré pour aimer le despotisme, Henri avait pourtant la

  1. Registre des états, 22 mai 1599.