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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/361

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Le roi n’attendit pas d’ailleurs le résultat d’un nouveau scrutin. Il nomma proprio motu le sieur de La Bouchetière, maire de Nantes, et lui fît connaître sa nomination par une lettre affectueuse où les Nantais étaient assez malmenés et qui se terminait ainsi : « S’il n’est par eux entièrement satisfait à mes ordres, vous nous en tiendrez avertis afin d’y pourvoir selon le besoin qui en sera, car tel est notre plaisir[1]. » Le sieur de La Bouchetière fut donc maire de par le roi. Lorsqu’un an après le moment fut venu de renouveler la mairie, les bourgeois adressèrent au roi une sorte de supplique dans laquelle, après avoir rendu hommage à la bonne administration du fonctionnaire nommé par sa majesté, ils demandaient qu’elle daignât leur rendre le droit de désigner pour l’année 1601 trois candidats, selon qu’elle l’avait réglé elle-même ; mais Henri IV feignit de ne pas comprendre le sens de cette requête, et leur répondit, en vrai Gascon, que, puisqu’ils se tenaient pour satisfaits des services du maire actuel, il déférait avec plaisir a leur vœu en consentant à le maintenir en sa charge.

En matière de libertés municipales, Henri IV ne se gênait pas plus avec les vieux royalistes qu’avec les vieux ligueurs. Vers la même époque, il attribuait au gouverneur de Rennes la mairie perpétuelle de cette fidèle cité, et transformait le régime de sa communauté élective en se réservant la nomination des échevins. Ce prince, plus habile que prévoyant, fit au système municipal une guerre sourde, mais persistante, en souvenir de la puissance qu’il avait exercée durant les troubles, sacrifiant ainsi aux intérêts de ses rancunes ceux d’une bonne politique.

Après la paix de Vervins, qui lui permit de rétablir son commerce avec l’Espagne, stimulant principal de sa faible industrie, la Bretagne ne songea plus qu’à remettre ses friches en culture et à faire démolir les repaires d’où d’exécrables brigands s’étaient abattus sur ses campagnes. Coëtfret, Corlay, Douarnenez, lieux de sinistre mémoire, tombèrent d’autorité royale sous les malédictions publiques. Rien ne vint troubler l’harmonie qui s’établit sous le gouvernement nominal du jeune duc de Vendôme, suppléé par le duc de Rohan-Montbazon et le maréchal de Brissac, entre la royauté et la représentation provinciale. Le fils naturel de Henri IV fit son entrée solennelle à Rennes en 1608, à l’âge de quatorze ans, y ranimant au sein d’une population royaliste quelques restes du vieil enthousiasme que ce prince était si peu capable d’entretenir. Le bon ordre introduit dans les finances et la prospérité chaque jour croissante du royaume permirent à Sully d’accorder aux portions les plus

  1. Lettre écrite à Fontainebleau, le 13 mai 1599, signée Henri et plus bas Potier, à notre cher et bien amez le sieur Hux de La Bouchetière, trésorier des états de notre province et duché de Bretagne, maire en notre ville de Nantes.