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tranquille. Toutefois il fut bientôt interrompu par le contre-coup, inévitable sur un grand littoral, de l’expédition de La Rochelle et de la guerre contre l’Angleterre. Obligées de se défendre avec leurs seules ressources contre des menaces presque incessantes de débarquement, les villes résistaient énergiquement chaque fois qu’un commissaire des guerres se présentait avec une commission royale pour prendre leurs canons ou leurs munitions. De 1626 à 1634 ; les registres des communautés bretonnes sont remplis de semblables réclamations ; elles se produisirent à Rennes, à Saint-Malo et à Nantes sous les formes les plus animées. Nantes surtout ne céda qu’en présence de lettres de jussion conçues en termes menaçans[1], et ses magistrats déclarèrent, en protestant contre la violence qui leur était faite, « qu’ils restaient sans moyens de défendre leur ville, si elle était attaquée par les ennemis du roi. »

Aux états qui se tinrent en 1629 à Vannes et en 1630 à Ancenis, les réclamations se reproduisent, et la fréquence de ces débats où le gouvernement se voyait disputer l’exercice de droits indispensables à la sûreté générale, constate combien avant la création des intendances l’action administrative était faible et la compétence des divers pouvoirs mal définie. Ces deux tenues d’états furent signalées par un incident qui aurait singulièrement ému la noblesse bretonne si l’ardent royalisme qu’elle professait depuis l’avènement de Louis XIII ne l’avait en ce moment désintéressée de ses plus vieux souvenirs. Le prince de Condé vint y prendre la présidence à titre de duc de Rohan, tous les biens confisqués pour cause de rébellion sur le chef de cette maison ayant été attribues par le roi à ce prince, naguère insurgé lui-même. Froidement accueilli, Condé se concilia la faveur de l’assemblée en s’y montrant gardien jaloux des droits de la province. Il fut applaudi lorsqu’il déclara ne prétendre à aucun autre rang que celui de comte de Léon, et plus encore quand il désavoua les expressions ambiguës des lettres patentes, lesquelles prescrivaient « de le recevoir et de l’honorer non-seulement comme duc de Rohan, mais à cause de sa naissance et du commandement reçu du roi pour ce sujet. » La présence d’un prince de la maison de Bourbon surexcita le dévouement déjà si chaud de la noblesse. Cette cause n’est peut-être pas étrangère à l’élévation du don gratuit. Ce chiffre fut porté aux états de Vannes à 700,000 livres, aux états d’Ancenis il s’éleva à 900,000, plus une somme de 100,000, offerte par les états au cardinal de Richelieu en témoignage de leur reconnaissance pour les grands services rendus par lui à la Bretagne. Si le parlement de Rennes continuait contre les grandes

  1. Lettres du roi au corps de ville, 6 octobre 1627.