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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/378

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s’excusait près des états de ne pouvoir résider dans la province, et faisait nommer Charles de La Porte, duc de La Meilleraye, son neveu, son lieutenant-général au gouvernement de Bretagne. Quelques mois après, ce jeune seigneur, héritier des volontés altières de son oncle sans l’être de son génie, venait s’établir à Nantes, et ses violences, jointes aux caprices de Mme de La Meilleraye, ne tardèrent pas à y susciter à son administration les plus sérieux embarras.

S’il arriva plus d’une fois aux états de résister aux demandes de la couronne, ce fut presque toujours parce que les formes provoquantes de M. de La Meilleraye avaient ajouté aux difficultés financières des difficultés d’amour-propre. Celles-ci faillirent provoquer en 1636 une crise véritable. L’autorité conquise dans la province par le cardinal vint heureusement tempérer l’effet des procédés de son neveu. À cette époque, le pouvoir, pressé d’argent, comme le sont tous les gouvernemens qui font la guerre, lors même qu’elle est heureuse, imagina la plus déplorable des opérations. Sans l’assentiment préalable des états de Bretagne, qui l’auraient certainement refusée, il aliéna la jouissance temporaire des impôts et billots à des traitans, et rédima à prix d’argent de l’impôt des fouages un certain nombre de feux par paroisses, en dévorant ainsi pour un prix dérisoire son plus solide capital. Violentés d’abord par M. de La Meilleraye, mais bientôt après ménagés avec souplesse par des agens directs du cardinal, les états finirent, à la suite des débats les plus animés, par consentir une transaction qui restreignit dans les plus étroites limites la mesure générale décrétée d’abord, et se donnèrent la satisfaction de laisser comprendre à leur illustre gouverneur qu’ils accordaient à l’oncle ce qu’ils auraient refusé au neveu. Richelieu n’avait le goût ni des luttes ni des rigueurs inutiles ; il ménageait les forces qu’il ne croyait pas dangereuses ; s’il frappa les états du Languedoc, c’est qu’ils avaient préparé depuis longtemps par leur attitude et qu’en 1632 ils secondèrent par leur concours l’insurrection du duc de Montmorency. Sitôt que la tête de ce seigneur fut tombée, le cardinal n’hésita point à restituer à la province la plupart de ses privilèges, se montrant aussi facile envers les populations qu’il avait été impitoyable envers les derniers représentans de la puissance féodale. Richelieu pratiqua la même