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produit des effets admirables au lever et au coucher du soleil. On voit alors cette bordure argentée briller des teintes les plus riches, or ou rose, avec des reflets irisés, et l’on dirait une auréole au front des montagnes.

Ainsi la poussière de neige agitée par le vent donne lieu sur les Alpes à des accidens semblables à ceux que produit la poussière du Sahara quand souffle le simoun. Ce sont les mêmes tourbillons, avec des jets en hauteur sans doute plus hardis, parce que la neige est plus légère ; mais, tandis que les violences du simoun recommencent éternellement une œuvre stérile, le vent accomplit sur les Alpes un travail qui n’est point en pure perte. Le sable est toujours le sable, il ne peut ni changer de forme ni se fixer, et l’ouragan le promène au hasard sur la surface du désert ; la neige peut se fixer, devenir de la glace, se transformer en eau fertilisante, et il n’est point indifférent qu’elle s’amasse en tel lieu plutôt qu’en tel autre. À force d’être transportée de versant en versant, elle finit par se loger en plus grande abondance dans les endroits les mieux abrités. Une œuvre d’équilibre et de stabilité s’accomplit au milieu de ces désordres apparens. Si la montagne est très déchirée, les creux ne tarderont pas à être comblés, tandis que les arêtes se dénuderont entièrement ; si elle est massive au contraire, la neige, en s’y entassant, fera disparaître les petites inégalités. Dans les deux cas, il y aura nivellement ; mais dans le premier la montagne n’en paraîtra que plus abrupte et plus déchirée par suite du contraste entre l’éclat des neiges et les rochers noirs ; dans le second, tous les angles auront disparu, peut-être même aura-t-on des dômes parfaits. L’aspect d’une cime peut être transformé par la distribution des neiges. Le Galenstock en offre un exemple. Entouré de pics très ardus, le Finsteraar, le Schrekhorn, il se fait remarquer parmi eux, quand on passe le Grimsel, par sa forme en demi-coupole : au sud, il est à pic, comme si la moitié de coupole qui manque s’était détachée en laissant à nu un affreux précipice ; au nord, la ligne de faîte se montre arrondie et couverte, ainsi que les flancs qui y conduisent, d’un magnifique manteau de neige. Si l’on gravit cette belle calotte, promenade facile quand la neige n’est pas trop dure, on verra en certains points affleurer les rochers d’une arête ensevelie, et l’on pourra se convaincre que le Galenstock est un pic de la même famille que le Finsteraar et le Schrekhorn ; seulement les ravines en ont été comblées.

Le vent ne se borne pas à modifier le relief apparent des hautes Alpes ; il contribue à produire ce qu’on appelle les neiges éternelles. Les nuages pesamment chargés de vapeurs flottent à l’ordinaire à deux mille ou deux mille et quelques cents mètres, en sorte qu’il tombe moins de neige sur les sommets de 3,000 mètres que sur