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L’idée d’un pouvoir surnaturel dont le sacerdoce serait revêtu et celle d’une autorité extérieure absorbant l’église universelle, ces deux idées ne paraissent pas être entrées dans l’esprit de ces populations simples et primitives, et c’est par là qu’elles se sont trouvées constituées à l’état de secte. Cependant, contrairement à l’opinion des historiens de la réforme, tous les liens n’ont pas été rompus à la fois. Cette église sectaire n’est pas le produit violent d’un esprit de révolte et d’innovation, elle n’est pas sortie tout d’une pièce du giron orthodoxe. En observant de près cette curieuse formation hérétique, on aperçoit au contraire qu’elle est l’œuvre insensible des siècles. Elle demeure attachée à la grande église par tout ce qui est ancien et archaïque dans le christianisme, tandis qu’elle va se séparant peu à peu par ce qui est nouveau et récent. Elle reste obstinément fixée sur les vieilles choses, stationnaire et immobile dans la foi ancienne et le culte ancien pendant que tout autour d’elle, au nord et au midi des Alpes, l’église générale se mouvait avec le monde, évoluait sans cesse dans le dogme, la discipline et les mœurs. En un mot, l’immobilité d’un côté, l’immobilité, trait dominant du caractère des races de montagne, de l’autre le progrès, le mouvement, voilà les deux termes de la question si controversée des origines vaudoises. Cela suffit pour rendre compte de cette curieuse formation sectaire qui a résisté jusqu’à nos jours à tous les efforts tentés pour la réduire.


II

L’opinion vulgaire que l’église romaine a gardé son terrain et sa forme des premiers siècles ne tient pas un moment devant la critique historique la plus élémentaire. La grande institution des papes a été au contraire constamment en progrès et en formation, et c’est là le secret de sa force prodigieuse et de sa durée. Sa prétendue immobilité, passée en article de foi, n’est qu’une illusion d’optique : elle a paru immobile comme la terre, parce que tout se mouvait avec elle et allait du même pas ; mais en se plaçant au point de vue qui ne se meut pas, au point de vue du texte de la Bible, on la voit s’en éloigner peu à peu, graviter dans le temps et dans l’espace, s’assimiler les milieux qu’elle traverse, enrichir son dogme et son culte des croyances flottantes du paganisme antique, pulvérisé par les édits des empereurs romains, et des élémens nouveaux de la foi du moyen âge. Comme ces cathédrales grandioses toujours en construction et jamais achevées, elle est l’œuvre progressive de la piété nécessairement variable de quinze siècles, et sur la forme intérieure ou extérieure, sur le symbole aussi bien que sur la constitution ecclésiastique, on reconnaît aisément les