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« la destitution du traître de la Maison-Blanche, une vaste mesure de confiscation, » et qu’elle avait déclaré « que toute heure de retard à cette mesure était une insulte à la nation, un danger pour l’avenir, une iniquité qui faisait crier le sang innocent. » Pareil langage était tenu chaque jour par les missionnaires abolitionistes aux nègres ignorans du sud. Au lieu de chercher l’aisance dans l’économie et dans le travail, beaucoup d’entre eux vivaient oisifs dans l’attente des grands événemens qui feraient d’eux à leur tour les riches et les puissans de la terre, et réduiraient les blancs dépossédés à un état voisin de l’esclavage. Ils ne doutaient plus de la confiscation et du partage, et ils disaient communément que, si le gouvernement leur refusait les terres, ils sauraient bien les prendre eux-mêmes. Ces menaces n’étaient pas bien redoutables, et les souvenirs de Saint-Domingue ne troublaient pas encore le sommeil des hommes du sud. Elles entretenaient cependant le malaise et l’irritation. Si dans quelques villes plus paisibles, à Columbia par exemple, on avait vu des meetings mêlés où les deux races fraternisaient ensemble, les émeutes étaient plus fréquentes encore. En général la classe la plus élevée des hommes de couleur, initiée déjà par le commerce au maniement des affaires et plus éclairée peut-être, malgré son infériorité sociale, que celle des planteurs ignorans et oisifs, comprenait que ses intérêts véritables la rapprochaient de la race blanche, et qu’elles devaient faire cause commune contre l’invasion du nord ; mais la multitude noire était aveuglément guidée par les aventuriers abolitionistes envoyés pour exciter son zèle et par des orateurs tirés de son sein qui lui disaient qu’il fallait « arracher le cœur » à tous les rebelles. L’arrestation d’un de leurs frères était l’occasion ordinaire de leurs soulèvemens ; ils se rassemblaient en armes et délivraient le prisonnier. Leurs vrais amis cherchaient à les retenir : à Richmond, une insurrection sérieuse fut arrêtée par le juge Underwood et par le généreux Horace Greeley, qui allèrent les haranguer à leur église africaine et les ramenèrent à la raison. Malheureusement ce bel exemple de loyauté et de sagesse ne trouvait pas beaucoup d’imitateurs dans le parti radical. M. Greeley était même accusé d’apostasie et de trahison, parce qu’il avait le courage d’être un bon citoyen avant d’être un homme de parti.

Quelques membres du congrès profitèrent de leurs vacances pour visiter les états du sud ; mais ce fut pour y promener la discorde plutôt que pour y répandre des paroles de paix. M. Wilson trouva partout patience et bon accueil malgré les dangereux conseils qu’il adressait aux affranchis. C’était un étrange spectacle que celui de ces multitudes écoutant en silence les menaces de leurs ennemis