Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/506

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

droit d’intervenir dans le gouvernement des états. Le commandant militaire ne devait, disait-il, que protéger les personnes, réprimer l’insurrection, punir ou faire punir tous les perturbateurs de la paix publique ; son pouvoir n’était qu’un pouvoir de police ; l’acte de reconstruction ne lui conférait ni la faculté de déplacer les magistrats, ni celle de renverser les lois, ni celle d’arrêter le cours de la justice, si ce n’est dans les occasions d’extrême nécessité.

Ce manifeste avait plusieurs défauts graves. D’abord il défigurait audacieusement la loi qu’il avait la prétention d’expliquer ; ensuite il était en contradiction flagrante avec l’opinion que le président Johnson avait exprimée sur cette loi alors qu’il la dénonçait comme la consécration de l’arbitraire et la subversion de tous les droits. Il était louable assurément de vouloir adoucir la condition des hommes du sud ; mais il n’était pas permis au premier magistrat de la république d’éluder systématiquement les lois dont l’exécution lui était confiée. Une pareille mauvaise foi, pour ne pas dire une pareille insolence, devait être considérée par le congrès comme une insulte et comme un défi.


V

C’était bien une guerre nouvelle qui s’engageait entre les deux pouvoirs. La trêve qui avait régné quelques jours n’était qu’une vaine apparence, car le président n’était ni converti ni dompté. Il semblait parfois prendre à tâche de stimuler la politique radicale et de pousser le congrès en avant. Optimiste d’ailleurs et prompt à l’espérance, il se flattait d’un revirement prochain qui allait faire tomber les radicaux et humilier cette majorité hautaine qui osait menacer son pouvoir. C’est ainsi qu’il avait vu avec un secret sentiment de triomphe les conservateurs gagner du terrain dans les élections récentes du New-Hampshire, de Rhode-Island et du Connecticut, l’emporter même dans ce dernier état par une majorité de mille voix. Cet échec des républicains au cœur de la Nouvelle-Angleterre lui inspirait beaucoup plus de joie que la victoire facile remportée au Kentucky par 83,000 démocrates contre 27,000 républicains. Là aussi cependant les conservateurs avaient gagné 20,000 voix depuis l’année précédente. Dans le Maryland, où siégeait une convention chargée de réviser la constitution locale, la lutte avait été fort vive entre les radicaux, qui voulaient le suffrage universel des noirs, et les démocrates, qui voulaient relever les blancs des incapacités qu’ils avaient encourues ; les démocrates avaient eu le dernier mot. Ces succès partiels inspiraient au président beaucoup de confiance dans les élections de la prochaine année. Il venait de se risquer pour la première fois depuis un an à traverser la