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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/531

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idées, les sentimens, le ton du chef de ce qu’on appelle en Angleterre le parti conservateur quand il parle de la liberté de la presse. Nous attendons, pour comparer, le langage que vont tenir nos moroses pédagogues d’administration, de fisc et de juridiction correctionnelle quand ils vont marchander à la France la mesure de liberté des journaux dont leur patriotisme la croit digne. Au banquet du lord-maire, M. Disraeli a parlé vaguement de politique étrangère. Le ciel lui paraît gris, mais non chargé de nuages. Il se félicite des empressemens des puissances étrangères auprès du gouvernement anglais, des demandes de concours et d’action conciliante qui lui sont adressées de toutes parts, d’une influence générale que l’Angleterre doit certainement à la résolution sage qu’elle a prise de n’assister aux intrigues et aux troubles du continent qu’en spectatrice désintéressée. L’Angleterre ne renonce point à ses traditions politiques pour seconder les injustes convoitises des autres. Elle n’a pas pris part à ce curieux concert qui s’est formé pour signifier à la Sublime-Porte qu’il lui retire son appui moral, concert où la France a l’honneur de figurer avec ses parfaites alliées la Russie, la Prusse et l’Italie. L’Angleterre et l’Autriche n’ont point voulu s’associer à ce coup porté avec une opportunité si curieuse au gouvernement ottoman. Une circulaire récente de M. de Beust contiendrait, dit-on, un passage qui serait de nature à nous rassurer sur cette démarche de notre politique. Le ministre autrichien l’attribuerait à des engagemens anciens, mais n’en tirerait aucune induction contraire à l’union de la France à l’Angleterre et à l’Autriche dans la question d’Orient. Nous sommes au surplus dans la saison des dialogues diplomatiques par dépêches. On assure qu’à la circulaire de M. de Beust, où est expliquée l’attitude de réserve et de modération prise par l’Autriche, M. de Bismarck répond par un compliment sur la résignation de la cour de Vienne et l’esprit conciliant de la France, et conclut en promettant de persévérer dans la méthode adoptée par lui pour faire les affaires de l’Allemagne et de la Prusse.

Aux États-Unis, on peut s’attendre à une crise prochaine de la lutte qui existe entre le président Johnson et le parti républicain. Le congrès sera rassemblé à la fin du mois. L’incident par lequel s’ouvrira la session sera piquant et marquera la distance qui sépare l’Amérique de l’antique Europe dans les attributions du pouvoir exécutif. Aux États-Unis, ce pouvoir ne peut point renvoyer un ministre sans faire agréer ses raisons au pouvoir représentatif et législatif. M. Johnson s’est défait de l’ancien ministre de la guerre, M. Stanton, un des personnages les plus importans du parti républicain, le ministre qui a dirigé toute la préparation et la conduite des opérations militaires de l’Amérique du Nord durant les luttes civiles. M. Stanton a donc été le collaborateur le plus énergique et le plus efficace du président Lincoln. Les Américains patriotes voient en lui leur Carnot. M. Johnson sera obligé, dans les vingt premiers jours de la session, de soumettre au congrès les motifs pour les-