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hautes parties contractantes, le gouvernement et le peuple, n’ont pas confiance l’une dans l’autre. En Angleterre, la confiance a été la situation normale ; chez nous, elle a été l’exception, et c’est ce qui explique tant d’événemens, tant d’agitations incessamment renouvelées, et notre impuissance trop fréquemment éprouvée à nous retenir sur la pente glissante des révolutions.

On ne saurait contester que les questions d’origine et de race influent à un degré considérable sur la constitution qui convient à un peuple. C’est ainsi qu’il semble que pour les Orientaux il ne faille pas songer au système représentatif et au mécanisme des assemblées délibérantes, qui, pour les nations européennes et occidentales en général, ont des racines dans le passé, et sont aujourd’hui devenues des besoins impérieux et des conditions même d’existence. Mais cet élément, quel qu’en soit le poids, ne suffit point à faire pencher définitivement la balance. L’exemple des États-Unis de l’Amérique du Nord prouve que la race peut être la même sans que la constitution doive et puisse être identique. La race américaine est aujourd’hui, était surtout lors de la déclaration de l’indépendance un rejeton de l’Angleterre. Il y avait peu de temps que le jeune essaim avait quitté la ruche-mère, et même la plupart des hommes qui dirigèrent le mouvement de l’indépendance avaient reçu leur éducation dans la Grande-Bretagne. Il n’en a pas moins fallu faire une constitution différente de celle qui florissait parmi la race anglaise d’Europe. C’est que les molécules dont se compose la nation américaine étaient arrangées autrement que chez les Anglais. C’était comme une autre cristallisation. Les conditions de la propriété, de la culture et du climat étaient fort modifiées. Les relations des classes entre elles n’étaient plus les mêmes. L’élément aristocratique, si vivace, si puissant parmi les Anglais, même encore aujourd’hui, en vertu de la constitution comme en vertu des mœurs, mais bien plus prépondérant alors, se trouvait au contraire, dans la plupart des provinces anglaises de l’Amérique du Nord, oblitéré ou absorbé par l’élément démocratique. Il dut se réfugier dans la région du sud pour se faire un établissement où il vécût à l’aise. Il s’estima heureux d’être reconnu par la constitution dans cet partie du territoire où il était cantonné. Il y forma une société qui avait son charme, et se recommandait par de grandes qualités à côté des grands défauts qui la déparaient et qui dérivaient d’une source unique, l’esclavage d’une population nombreuse de noirs ; mais le nord de l’Union, qui représentait la démocratie, fit des progrès plus manifestes et plus rapides que le sud, parce qu’il n’avait pas au pied le boulet de l’esclavage. Malgré l’habileté consommée des hommes d’état du sud, il était écrit qu’un jour l’aristocratie conservée sous la