Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/538

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

forme d’une suprématie absolue du blanc sur le noir serait abolie dans la république tout entière. Elle a en effet complètement disparu dans le formidable conflit de la sécession de 1861 à 1865.

Un autre exemple est fourni par la race française elle-même. La France moderne n’a pas l’esprit du gouvernement et de l’administration par soi-même (self-government) ; elle ne l’a pas dans l’état, et ne l’a même pas dans le département et dans la commune. Dans l’état les ministres, dans les départemens les préfets, dans la commune le maire, devenu ouvertement sous le deuxième empire le délégué de l’autorité supérieure, tiennent entre leurs mains tous les pouvoirs actifs. D’ailleurs le préfet obéit ponctuellement aux ministres, et le maire est plein de déférence pour le préfet dans le peu d’attributions que la centralisation ne lui a pas ravies. Ainsi celui qui observe la France aujourd’hui, je pourrais dire depuis le commencement du siècle, est porté à penser qu’elle n’est pas propre au self-government, qu’il lui faut un réseau de centralisation fortement tendu, des pouvoirs locaux très affaiblis, et que les grandes assemblées délibérantes, chambres des députés et des pairs ou bien corps législatif et sénat, pour ne pas aller de chute en chute, ont besoin d’être confinées dans des attributions bornées, dépouillées de toute immixtion directe dans le gouvernement proprement dit et dans l’administration. Qu’on observe cependant la même race dans les trois îles normandes séparées de nous depuis longtemps, mais essentiellement françaises encore par le langage comme par l’origine, Jersey, Guernesey, Aurigny ; qu’on l’examine en Amérique dans la province du Bas-Canada, où elle est sans mélange, et qui, il y a un siècle à peine, était une colonie française. Le self-government, ici et là, fonctionne avec autant de régularité et réussit aussi bien que dans le comté de Lancastre et dans celui d’York.

Les deux ouvrages dont j’ai réuni les titres en tête de cette étude se ressemblent très peu, mais ils ne se contredisent pas, et on peut les considérer comme se complétant l’un l’autre. L’un, plus philosophique, est d’un Anglais pur sang qui jusqu’ici s’était donné carrière dans l’économie politique rationnelle ou appliquée, et qui maintenant se montre doué à un degré remarquable du sens politique. C’est une œuvre plus intéressante et d’un niveau plus élevé que celle où un homme d’état célèbre, lord Russell, alors jeune traita le même sujet. Le second, plus didactique, est dû à un Allemand d’un esprit fort remarquable, qui périt à Paris, il y a quelques années, d’un accident de la rue, et qui serait devenu très probablement un publiciste des plus éminens. M. Fischel s’était proposé d’initier les Allemands, ses compatriotes, et les Européens en général au mécanisme complexe et sui generis du gouvernement central et local du royaume-uni. Nos deux auteurs ont également une