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premier par le cardinal Casoni, le second par M. Alquier. L’arrivée du cardinal Casoni aux affaires avait surpris tout le monde. Casoni était un vieillard respecté, aimable, dépourvu de toute ambition, et que personne ne soupçonnait d’avoir souhaité le poste difficile où il était soudainement appelé. Pie VII n’avait pas d’ailleurs une grande liberté de choix, et il avait dû prendre son nouveau ministre parmi les membres les plus modérés du sacré-collège. Casoni, autrefois vice-légat à Avignon avant la révolution de 1789, puis nonce en Espagne, avait quelque expérience des formes diplomatiques, et parlait facilement la langue française, avantages que ne possédaient pas au même degré la plupart de ses collègues. Les personnes bien informées de la société romaine étaient toutefois persuadées que d’autres considérations avaient surtout déterminé la préférence du saint-père. Elles supposaient, non sans raison peut-être, qu’en attribuant des fonctions si considérables à quelqu’un de relativement obscur, plus connu par son dévouement à la cause du saint-siège que par l’éclat de son mérite, Pie VII avait été bien aise de revendiquer hautement comme lui appartenant en propre la politique suivie jusqu’à ce jour dans ses démêlés avec la France, et de convaincre Napoléon que ses conseillers officiels, interprètes nécessaires de sa volonté, n’en étaient pas les inspirateurs.

La première note rédigée par le cardinal Casoni en sa qualité de ministre du saint-siège fut une circulaire adressée aux nonces accrédités auprès des cours étrangères. Elle avait pour but de leur appendre la confiscation des principautés de Bénévent et de Ponte-Corvo, que Napoléon venait de concéder comme fiefs relevant de l’empire à son lieutenant, le maréchal Bernadotte, et à son ministre des relations extérieures, M. de Talleyrand. Le fond et la forme de ce document ne différaient en rien de ceux qui portaient naguère la signature de Consalvi, et le nouveau secrétaire d’état reproduisait sans y rien changer, du même ton et presque dans les mêmes termes, les réclamations qu’avait déjà fait valoir son prédécesseur. « Le saint-père, disait le cardinal Casoni, n’a pas seulement dû voir dans cette mesure un acte arbitraire et destructif des droits inviolables de sa souveraineté ; il a dû y reconnaître aussi l’application de ces maximes nouvelles et insoutenables par lesquelles sa majesté l’empereur des Français, roi d’Italie, s’érige en chef suprême de tous les états d’Italie… Tous les principes fondamentaux de la politique, principes sur lesquels reposent l’ordre social et la tranquillité des peuples, seraient entièrement bouleversés, si un souverain pouvait s’arroger le droit de disposer des états d’un autre souverain en le dépouillant à son insu et sans son