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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/602

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consentement, en lui offrant seulement l’espoir de l’indemniser après coup[1]. »

Cette protestation, envoyée à tous les cabinets de l’Europe, ne pouvait causer pour le moment aucun embarras sérieux à l’empereur, car la majeure partie des puissances étrangères, même les plus catholiques, tenues en grande inquiétude par l’immense déploiement des forces militaires de la France, étaient devenues, en apparence du moins, indifférentes à ce qui se passait à Rome. Pie VII le savait et n’attendait rien d’elles ; mais, par cet appel solennellement adressé à l’opinion du monde catholique, il avait voulu donner clairement à comprendre que la retraite de Consalvi n’avait rien changé à ses résolutions, et que, privé de l’assistance de son plus ferme et plus habile auxiliaire, il n’en continuerait pas moins à défendre avec une égale énergie une cause à laquelle il croyait sa conscience engagée. Déjà le nouvel agent de l’empereur à Rome l’avait informé qu’il ne fallait s’attendre à aucune concession de la part du souverain pontife, et que les tentatives d’intimidation n’avaient pas de chance de réussir auprès de lui. M. Alquier, ancien conventionnel, fort revenu, comme tous les hommes de sens, de son exaltation révolutionnaire, doué d’esprit, de mesure et de tact, d’autant meilleur observateur qu’aucune conviction bien arrêtée ne gênait l’indépendance de ses jugemens, avait depuis son entrée en fonction fait parvenir à Paris des dépêches remplies de renseignemens fort exacts, de conseils très judicieux, qui rappelaient de loin celles que M. Cacault avait jadis écrites au premier consul. Comme son sage prédécesseur, quoique avec moins d’originalité, il se hasardait, lui d’ordinaire assez timide, à rappeler à M. de Talleyrand et partant à l’empereur « qu’il fallait toujours se garder de prendre, dans les négociations avec Rome, les routes qui pouvaient conduire à discuter les droits du sanctuaire… Le refus des cardinaux de céder aux désirs de l’empereur était fondé sur cette maxime, que le chef de l’église, le père commun des fidèles, ne doit point contracter des engagemens qui affaibliraient l’autorité du saint-siège… Il osait donc représenter qu’il serait à souhaiter que sa majesté l’empereur et roi voulût bien consentir à ne prendre en ce moment aucune mesure de rigueur contre la cour de Rome, car il convenait avant tout de ne pas effrayer les esprits, déjà trop vivement affectés[2]. »

« On s’est étrangement trompé, écrivait-il, sur le caractère du souverain pontife, si l’on a pensé que sa flexibilité apparente

  1. Circulaire adressée aux nonces par le cardinal Casoni.
  2. Dépêche de M. Alquier, citée par M. Artaud, Vie de Pie VII, t. II, p. 144.