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Les mesures violentes des généraux Lemarrois et Duhesme, au lieu de l’intimider, l’avaient plutôt confirmé dans la ferme volonté de maintenir intacts les droits de sa souveraineté temporelle et de ne pas mettre ses relations avec les cours étrangères à la merci d’un gouvernement qui faisait pour son compte si bon marché des règles les plus élémentaires du droit des gens. Il ne lui avait pas semblé convenable toutefois de répondre lui-même à la lettre de M. Alquier. Il avait laissé ce soin au secrétaire d’état, qui s’en était acquitté par une note assez longue datée du 15 juillet 1806, mais dont nous croyons inutile de citer aucun passage, car elle ne faisait que reproduire tous les argumens qu’avait précédemment fait valoir Consalvi pour expliquer comment il était impossible au saint-père de se rendre aux désirs de l’empereur. Ce fut également le cardinal Casoni qui prit la plume pour se plaindre à M. Alquier de tous les actes destructifs de la souveraineté pontificale qui s’étaient passés soit à Ancône, soit à Civita-Vecchia[1]. « Votre éminence peut aisément s’imaginer, écrivait le secrétaire d’état au cardinal Caprara, combien la situation de sa sainteté est devenue pénible. Il est d’autant plus affligé de tous ces événemens que sa conscience lui dit qu’il n’a pas mérité les traitemens qu’il endure. Je ne m’étendrai pas en paroles ; mais votre éminence a trop de pénétration pour ne pas sentir que, si l’on ne met fin aux vexations dont on l’abreuve, la durée des jours précieux de sa sainteté en sera abrégée. Il n’est vraiment pas possible que le cœur de sa majesté impériale et royale puisse nourrir des sentimens si inhumains envers un souverain qui conserve pour elle un si sincère attachement[2]. »

Si pénibles à supporter et si cruellement ressentis que fussent alors les coups portés à sa puissance temporelle par l’irritation croissante de l’empereur, ils n’étaient pas la cause principale des angoisses auxquelles était en proie en ce moment l’âme troublée de Pie VII, et qui allaient, si nous nous en rapportons à son ministre, jusqu’à mettre sa vie en danger. De plus douloureuses inquiétudes, qui ne regardaient ni la sécurité de sa personne ni ses droits de prince, mais qui touchaient à sa conscience de prêtre et à ses devoirs de pontife, agitaient alors le saint-père. Les formidables menaces de la colère impériale, quoiqu’elles l’eussent certainement effrayé, n’avaient rien changé à ses convictions. Le commencement d’exécution qu’elles avaient reçu n’avait à aucun degré refroidi son courage ; mais il n’avait pu se défendre de lire avec une certaine émotion les lettres respectueuses autant que pressantes écrites

  1. Notes du cardinal Casoni à M. Alquier, 30 juillet, 1er août, 20 août 1806.
  2. Lettre du cardinal Casoni au cardinal Caprara, 1er août 1806.