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attaché aux ordres renfermés dans ses instructions, lesquelles excluaient toute espèce d’alliance, et consentaient seulement à la fermeture des ports et à quelques mesures semblables qui ne tendaient point à faire prendre au saint-père une part active à la guerre ni à blesser son indépendance[1].

Tâchons de bien expliquer quelle était au juste la situation faite à Paris au cardinal de Bayanne par les instructions qu’il avait reçues du saint-père avant de quitter Rome. Cette position était extrêmement délicate. Il ne faut pas en effet le dissimuler, le saint-siège avait abandonné quelque chose de la thèse qu’il avait d’abord dogmatiquement soutenue. Une fois de plus, comme cela lui était déjà arrivé à propos des évêques constitutionnels, comme cela devait lui arriver encore pendant le cours de ses démêlés avec le gouvernement français, le souverain pontife avait fini par céder sur une question qu’il avait commencé par représenter comme étant d’une nature essentiellement religieuse, et compromettant au premier chef la conscience sacerdotale du père commun des fidèles. Rien de plus naturel et de plus légitime en soi-même que ces transactions par lesquelles, afin de se mettre d’accord, deux gouvernemens se font mutuellement certains sacrifices auxquels ils s’étaient d’abord péremptoirement refusés. Les discussions diplomatiques ne se terminent guère autrement dans ce bas monde. Si le prestige extérieur du gouvernement qui a fait les premiers pas, ou qui a consenti les plus larges concessions, peut en être légèrement diminué au dehors, il s’en faut de beaucoup toutefois que sa considération en soit foncièrement atteinte ; s’il est le plus faible, s’il n’avait aucun moyen de se défendre, on trouvera au contraire qu’il a sagement et prudemment agi, ce qui dans l’opinion publique n’a jamais fait de tort à quelque gouvernement que ce soit. Il n’en est pas tout à fait ainsi dans les affaires qui regardent la cour de Rome. Du moins il y a lieu de faire une très importante distinction ; quand le pape, le plus petit des souverains, celui de tous les chefs d’état qui a le plus de motifs de se montrer en politique facile et conciliant, est amené par le trop juste sentiment de son impuissance matérielle à se soumettre temporellement aux exigences abusives d’un adversaire mille fois plus fort que lui, qui oserait l’en blâmer ? Non-seulement il est assuré de n’encourir aucun reproche, mais il sera plaint de tout le monde, et les cœurs généreux ressentiront pour lui cette sympathie qui toujours et partout s’attache immanquablement à la cause du plus faible opprimé par le plus fort ; mais si dans la querelle engagée le souverain temporel a fait intempestivement intervenir à sa place le chef spirituel, si le pontife, prenant pour son compte la parole, a

  1. Dépêches du cardinal de Bayanne. 31 octobre et 1er novembre 1807.