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traiter se trouvaient prises à l’avance au moment même où, faisant les plus grands efforts sur lui-même, allant peut-être au-delà de, ce qu’il lui était permis de faire, il en était venu à concéder à peu près tout ce qui lui avait été demandé. Le courroux du saint-père était d’autant plus vif, que la prise de possession d’Ancône par le général Lemarrois avait été accompagnée de circonstances aussi pénibles pour l’honneur du saint-siège que douloureuses pour le cœur de Pie VII. Le cardinal Rivarola, gouverneur de Macerata, un des membres les plus distingués du sacré-collège, ayant protesté contre l’occupation de la ville où il commandait au nom de sa sainteté, avait été arrêté et conduit dans la forteresse de Pesaro. Le sous-gouverneur de Macerata, ayant à son tour protesté contre l’arrestation de son chef, avait également été jeté en prison. À cette nouvelle, le pape n’avait pu se contenir. « Comme une telle conduite excite en nous le plus juste ressentiment et nous fait voir ce que nous devons attendre de l’empereur, nous suspendons ipso facto tous les pouvoirs que nous vous avons donnés, ainsi qu’au cardinal-légat, pour négocier, et nous vous défendons d’en faire le moindre usage, si le traité n’est pas conclu à l’arrivée des présentes ; s’il est conclu, nous le déclarons nul et comme non avenu. Préparez-vous à vous en retourner à Rome. Dieu et le monde nous feront justice contre les procédés de l’empereur, quels qu’ils puissent être[1]. »

Au moment où cette lettre du pape partait de Rome, le cardinal de Bayanne, à qui elle était adressée, était arrivé à Fontainebleau, où résidait alors Napoléon ; mais l’empereur, d’ordinaire si pressé, de terminer les affaires qu’il avait à cœur, n’avait témoigné aucun empressement à le recevoir. Les dépêches que le négociateur du saint-siège faisait parvenir au Vatican laissaient toutes choses dans un assez grand vague. « Il n’avait encore vu que M. de Champagny, écrivait-il à la date du 31 octobre ; mais il avait rapporté de cette première conversation l’impression qu’il serait sous main autorisé à envoyer à Rome une copie du projet de traité avant de le signer, ce qui permettrait au pape de l’examiner. » Cet espoir le soulageait beaucoup ; mais il était par contre obligé d’ajouter qu’il désespérait d’obtenir que les puissances catholiques fussent nommément exceptées dans le traité, comme ne devant jamais être au nombre de celles avec lesquelles sa sainteté pût être en aucun cas contrainte à se mettre en hostilité. « Il pensait qu’on voulait à ce sujet se borner à une déclaration verbale[2]. » Le lendemain, 1er novembre, le cardinal de Bayanne n’avait pas encore été admis à voir l’empereur ; mais il assurait le pape qu’il s’était strictement

  1. Lettre de Pie VII au cardinal de Bayanne, 9 novembre 1807.
  2. Dépêche du cardinal de Bayanne au cardinal Casoni, 31 octobre 1807.