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note. La note aussi peut y être insérée, s’il le juge convenable. Le gouvernement romain peut aussi faire une proclamation au peuple pour lui annoncer que le château Saint-Ange est occupé par des troupes françaises dans le but de protéger les derrières de l’armée de Naples ; mais, il vaudra encore mieux ne rien écrire, si cela est possible. Toutefois, en désirant éviter l’éclat et laisser les choses en statu quo, je suis décidé à en faire beaucoup à la première bulle ou publication que le pape se permettrait, car il y aura immédiatement un décret qui cassera la donation de Charlemagne et réunira les états de l’église au royaume d’Italie, en fournissant la preuve des maux que la souveraineté de Rome a faits à la religion, et faisant sentir le contraste de Jésus-Christ mourant sur une croix avec son successeur qui se fait roi[1]… »


Toutes ces précautions prises, l’imagination de l’empereur n’était pas encore tout à fait tranquille du côté de Rome. L’excellence de ses combinaisons militaires lui inspirait toute confiance. Des hésitations sur son droit, de la compassion pour le saint-père, il n’en éprouvait point ; mais si les scrupules qu’il n’avait point allaient venir soit au général Miollis, soit plus probablement à M. Alquier, qu’adviendrait-il ? Cela le troublait beaucoup. « Quand je vous ai dit, écrit-il au prince Eugène, que le général Miollis devrait s’entendre avec M. Alquier, il faut s’entendre là-dessus ; ce n’est pas sur les mesures militaires. Si Alquier lui disait donc de quitter Rome, il ne doit point le faire. S’il lui disait de ne pas occuper le château Saint-Ange, il ne doit pas l’écouter… Je redoute qu’Alquier ne fasse quelque sottise… » Napoléon appréhendait aussi que des troubles n’éclatassent à Rome et qu’on ne voulût s’y défendre contre l’occupation. Alors il n’était plus question de faire danser les officiers français avec les belles dames de Rome. « A la moindre insurrection qui éclaterait, il faut la réprimer avec de la mitraille, si cela est nécessaire, et faire de sévères exemples[2]. »

Il ne fut besoin de mitrailler personne ; Napoléon avait également eu tort de se méfier de ses agens. Le général Miollis, interrogé par le cardinal Casoni sur la destination des troupes qu’il commandait, avait communiqué au cardinal-secrétaire d’état, suivant l’ordre qu’il en avait reçu, un faux itinéraire de ses troupes, duquel il résultait qu’elles ne devaient pas se rendre à Rome[3]. M. Alquier avait également fait semblant de supposer qu’elles suivraient l’itinéraire accoutumé ; il n’avait fait aux questions qui lui

  1. Lettre de l’empereur à M. de Champagny, 22 janvier 1808. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XVI, p. 262.
  2. Lettre de Napoléon au prince Eugène, 7 février 1807. — Correspondance de Napoléon Ier, t XVI, p. 312.
  3. Réponse du général Miollis au cardinal Casoni, 1er février 1808.