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avaient été posées par le saint-père et par le secrétaire d’état que les réponses les plus ambiguës. Cependant, comme il arrive toujours par suite de quelques indiscrétions inévitables ou plutôt par suite de ces bruits vagues qui précèdent d’ordinaire tous les grands événemens, personne ne doutait à Rome de la prochaine entrée des troupes françaises. L’agitation était indicible, qu’allait-il se passer ? Le pape opposerait-il la force à la violence ? Le cardinal Pacca raconte dans ses mémoires qu’un instant Pie VII manifesta l’intention de se retirer au château Saint-Ange. La plupart des cardinaux l’en dissuadèrent. « Ils lui représentèrent respectueusement que les chefs de l’armée française, quelque pures que fussent ses intentions, regarderaient cette démarche comme un acte d’hostilité, et que, profitant du prétexte que le pape s’était lui-même déclaré en état de guerre, ils pouvaient prendre possession de Rome à titre de conquête. Il fallait leur ôter ce prétexte, et pour cela donner l’ordre que les portes de la ville restassent ouvertes comme à l’ordinaire. Il vaudrait mieux que les gardes pontificales restassent immobiles dans leur quartier. Autant il avait été juste, raisonnable et nécessaire que le pape opposât une vigoureuse résistance aux étranges prétentions de l’empereur, autant il était convenable à lui de ne montrer présentement que douceur, résignation et patience, afin de constater avec plus d’évidence en face de l’Europe indignée la honteuse supercherie et le monstrueux abus de la force dont était victime un prince pacifique qui n’avait donné ni motif ni prétexte à une telle iniquité[1]. »

Les choses se passèrent ainsi. Le 2 février 1808, à huit heures du matin, un jour avant la date prévue par l’empereur, les troupes françaises entrèrent dans Rome par la place du Peuple. Elles désarmèrent les soldats pontificaux qui gardaient les portes de la ville, et s’emparèrent du château Saint-Ange. Un corps considérable de cavalerie et d’infanterie enveloppa le palais du Quirinal, où résidait alors le saint-père. Une batterie de dix pièces d’artillerie fut braquée en face des fenêtres de ses appartemens. Que faisait cependant celui contre lequel était dirigé tout ce formidable appareil de guerre ? C’était le jour de la fête de la Purification. Le pape officiait dans la chapelle intérieure du Quirinal, assisté de tous les membres du sacré-collège. La cérémonie se poursuivit avec la plus grande tranquillité, et, quand elle fut terminée, les officiers français, dit le cardinal Pacca, ne furent pas médiocrement étonnés de voir les cardinaux monter tranquillement dans leurs voitures et se retirer sans laisser voir par leur contenance aucune trace d’altération.


D’HAUSSONVILLE,

  1. Mémoires du cardinal Pacca, t. Ier, p. 53.