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rendu par le parlement de Paris. Des passions et des intérêts divers ne tardèrent pas à donner à cette ligue une cohésion formidable. Mazarin eut à combattre simultanément les derniers efforts de la société féodale et les premières aspirations de la société nouvelle qui s’ignorait encore elle-même. Aux excitations qu’apportaient aux jeunes conseillers des enquêtes les exemples de l’Angleterre contemporaine venaient se joindre à Aix, à Toulouse et à Bordeaux les souvenirs d’une existence provinciale douloureusement mutilée. Le double génie du passé et de l’avenir se révéla dans les deux frondes sous des formes également redoutables. La lutte populaire provoquée dans les rues de Paris par les cris de la servante du bonhomme Broussel ne fut pas moins dangereuse pour l’autorité royale que la guerre seigneuriale engagée par Turenne et par Condé, guerre qui embrasa le royaume de Poitiers à Toulouse et de Stenay à Angers.

Les historiens de la fronde n’ont pas fait remarquer l’influence décisive qu’exerça sur les événemens de cette époque l’attitude.de la Bretagne, Si, à l’heure critique où le duc de Bohan, gouverneur de l’Anjou, embrassa le parti du prince de Condé, cette grande province avait cédé à l’impulsion que la haute aristocratie de cour espérait pouvoir lui donner, il est à croire que la guerre civile se serait indéfiniment prolongée dans l’ouest du royaume ; mais la noblesse bretonne résista aux plus vives excitations : elle avait la fidélité monarchique chevillée dans le cœur à ce point qu’il n’y eut jamais d’explosion plus éclatante de loyalisme, comme on dirait en Angleterre, qu’aux états de 1649 et de 1651, tenus aux deux périodes les plus animées de la guerre civile. Ce dédain pour des intrigues dont les tristes mobiles n’échappaient à personne était à la fois honnête et politique. La Bretagne s’était trop bien trouvée d’être demeurée étrangère aux ambitions seigneuriales durant les guerres de religion, elle était trop heureuse d’avoir fait avorter les complots de MM. de Vendôme sous la précédente minorité, pour s’engager dans des aventures qui ne pouvaient lui profiter ; elle portait enfin à Anne d’Autriche, sa royale gouvernante, un attachement si vrai que cette princesse aurait pu compter en toute occasion ! sur elle. Si à cette époque la reine avait conduit Louis XIV en Bretagne, la noblesse s’y serait armée tout entière, ne fût-ce que par haine des gens de cour, sentiment qui commençait, à poindre, et qui se développa de plus en plus jusqu’à l’aurore de la révolution. A part les maisons de Bohan et de La Trémouille, dont l’existence n’était plus provinciale, l’aristocratie de cette province fut tout entière résolument opposée à la fronde. On trouve à peine un nom. breton à la suite de l’acte d’union qui devint le manifeste de la fronde nouvelle.