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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/671

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Après que les troubles de Paris eurent contraint le jeune roi à quitter sa capitale, les états de Bretagne furent réunis à Vannes, et jamais les demandes de la cour ne rencontrèrent un accueil plus empressé. Le même spectacle se représente deux ans plus tard aux états de Nantes, quoique cette dernière tenue ait été marquée par des scènes d’une violence inouïe, comme on le verra bientôt. Durant cette réunion, la royauté recourut deux fois à l’assistance financière du grand corps dont elle connaissait le dévouement. À l’ouverture de l’assemblée, le maréchal de la Meilleraye demanda d’urgence un premier secours extraordinaire de 100,000 livres « indispensable sans retard à sa majesté dans l’extrême besoin auquel elle était réduite par le fait de ses ennemis. » Ce secours fut voté sans désemparer. Trois semaines après, une somme de 1 million fut réclamée également d’urgence par une lettre de cachet du roi adressée à messieurs des états. Après les avoir tout d’abord remerciés de ce qu’ils ont déjà fait, le prince leur demande un nouveau subside, rendu nécessaire par l’accord des factieux avec les ennemis de la France. Pénétrés de la gravité de ces motifs, les trois ordres se réunissent et le votent à l’instant. Afin de couvrir cette allocation, les états créent une imposition toute nouvelle sur l’eau-de-vie, liqueur qui jusqu’alors n’était pas entrée dans la consommation usuelle et encore se débitait chez les apothicaires.

De cet empressement à accueillir les demandes de la cour, il ne faudrait pas inférer que la Bretagne n’eût pas reçu le contre-coup des événemens qui agitaient alors tout le royaume. Ce contre-coup est surtout sensible dans l’attitude du parlement de Rennes durant toute la période des troubles. Cette compagnie ne va pas sans doute jusqu’à adhérer au fameux arrêt d’union, ni même jusqu’à donner à la faction une assistance directe, mais ses prétentions grandissent dans la mesure où s’affaiblit le pouvoir royal. Comme les autres parlemens du royaume, celui de Rennes aspire à saisir le rôle politique que les événemens semblent lui préparer. Cette disposition devient manifeste lorsqu’on observe la position que cherche à prendre ce grand corps vis-à-vis des états avec lesquels il s’efforce d’entrer en partage de l’autorité législative. Chaque jour voit naître des difficultés nouvelles, provoquées quelquefois par des questions de doctrine ? le plus souvent suscitées par des querelles d’étiquette ou des susceptibilités puériles.

À ces symptômes, il est facile de juger que l’assemblée provinciale et la cour souveraine n’envisagent pas de la même manière les événemens. C’est qu’en effet l’esprit royaliste domine complètement les, états, tandis que l’esprit d’opposition règne au parlement de Rennes, dans la mesure du moins où cet esprit reste compatible avec une stricte fidélité. Quoique cette compagnie ne se soit pas