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rage, ce qu’il a prouvé en guérissant sept enragés rien qu’en les touchant sur la tête au nom de Dieu et de Mgr saint Hubert, chose très utile pour la province. » N’omettons pas de rappeler enfin, en témoignage de cet esprit national si vivant, les encouragemens donnés par les états à toutes les publications relatives à l’histoire de la province. A la fin du XVIe siècle, d’Argentré avait édité sous leur patronage son grand monument. Au commencement du XVIIe siècle, le fils de l’illustre sénéchal avait reçu une large allocation pour couvrir les frais d’une édition beaucoup plus complète de l’œuvre de son père, et dans le cours du siècle suivant la même assistance généreusement accordée rendit seule possible les dispendieuses publications des bénédictins.

La bonne entente du parlement et des états éteignit l’unique brandon de discorde qui existât alors en Bretagne. Cette province, est probablement la seule qui n’ait jamais inspiré de souci à Mazarin. Ce fut sans doute la dédaigneuse indifférence qu’on y prêtait aux intrigues de la cour qui détermina le ministère à donner en 1654 le château de Nantes pour prison à un infatigable agitateur, vaincu sans être lassé. Par un étrange caprice du sort, le cardinal de Retz fut confié à la garde du duc de La Meilleraye, dont ce maître fou avait voulu, si l’on en croit Saint-Simon, faire divorcer la femme dans l’espérance de l’épouser du vivant de son mari, tout prêtre qu’il fût[1]. Les procédés du maréchal prouvent d’ailleurs qu’il n’avait gardé de cette plaisante tentative nul souvenir pénible. Il fit de bonne grâce les honneurs du château de Nantes au coadjuteur, bohème politique plus occupé du bruit que du succès, et fort bien servi en cette occasion par sa fortune puisqu’elle lui ménagea une évasion romanesque au prix d’un saut périlleux qui aurait fait honneur à un acrobate de profession.

Le triomphe de Mazarin, consacré par l’abaissement de ses ennemis, achetés ou vaincus, rendit au pouvoir toute la force que lui avait assurée Richelieu. Quoique Louis XIV n’ait gouverné par lui-même qu’à partir de la mort du cardinal Mazarin, on ressentit partout, dès la rentrée du roi dans Paris, l’effet du souffle monarchique. Le maréchal de La Meilleraye prit sa revanche en Bretagne des concessions qu’il avait du faire durant quelques années à cause de la difficulté des temps. Sur la fin de sa carrière, il rendit l’essor à l’esprit revêche qui en avait signalé les débuts, et le dévouement si éprouvé des états à la royauté ne leur fit pas trouver grâce auprès du gouverneur. Ceux de 1657 s’ouvrirent à Nantes par un premier acte de violence que la suite ne démentit point. Après que les commissaires du roi eurent indiqué en assemblée générale

  1. Mémoires du duc de Saint-Simon, t. XV, p. 41.