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le chiffre du don gratuit réclamé par sa majesté, les trois ordres décidèrent qu’ils se réuniraient le lendemain dans leurs chambres respectives afin d’en délibérer ; mais l’abbé de Lanvaux ne parut pas le matin dans celle du clergé, et, des bruits fâcheux s’étant répandus, messieurs de l’église l’envoyèrent chercher à son domicile par le héraut des états, revêtu de sa cotte blasonnée. Le héraut, ayant appris que ce député avait été enlevé pendant la nuit, se présenta chez le gouverneur pour réclamer quelques explications. Celui-ci le chargea de faire savoir aux états qu’il avait renvoyé l’abbé de Lanvaux par ordre du roi, et l’attitude de M. de La Meilleraye fit comprendre qu’il en agirait ainsi avec quiconque se permettrait de critiquer les ordres de sa majesté. Presque en même temps quatre conseillers du parlement de Rennes, MM. de Laubrière, Lefebyre, de Gouvello et de Fouesnel, étaient conduits par des exempts, les deux premiers à Lyon, les deux autres à Morlaix. Le motif de ces rigueurs nouvelles alors, mais qui allaient se répéter fréquemment durant deux longs règnes, était la vivacité avec laquelle l’abbé de Lanvaux et les magistrats bretons s’étaient exprimés sur un édit concernant le domaine royal qui venait d’être présenté aux états. Fort ému de la déclaration catégorique du maréchal, l’ordre de l’église provoqua la réunion des trois ordres sur le théâtre, et l’assemblée générale envoya neuf députés, l’évêque de Saint-Brieuc en tête, supplier le duc de La Meilleraye de faire revenir l’abbé de Lanvaux. Sur un premier refus, la députation fut doublée ; mais elle rencontra une résistance encore plus obstinée, le gouverneur déclarant qu’il avait reçu du roi des pouvoirs pour dissoudre les états, et qu’il en userait, si toutes les demandes formées au nom de sa majesté par ses commissaires n’étaient pas promptement accueillies.

Deux jours de réflexion modifièrent pourtant les dispositions de M. de La Meilleraye. Dans la séance du 8 novembre, l’évêque de Saint-Brieuc vint annoncer que M. le maréchal laisserait rentrer dans l’assemblée l’abbé de Lanvaux, si, au lieu d’une somme de 1,400,000 livres qu’ils avaient proposée, les états portaient le chiffre du don gratuit à 2 millions ; il ajouta, en ce qui concernait l’édit du domaine, dont l’opinion était très vivement préoccupée, que M. le gouverneur promettait d’en demander le retrait, si l’assemblée consentait à le racheter au prix d’un million payé comptant-au moyen d’un emprunt, opération que M. de La Meilleraye déclarait excellente, puisque les états bénéficieraient, selon lui, d’une somme de plus de 500,000 livres sur celle qu’ils auraient à payer au roi.

Si étranges que puissent paraître aujourd’hui de pareilles propositions, elles n’étonnaient pas à cette époque, car c’était à coups