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concordans. La résolution de se rendre à Nantes pour y arrêter le surintendant laisse croire que le roi avait pris beaucoup plus au sérieux qu’elles ne le méritaient les extravagantes imaginations d’un parvenu rêvant le rôle d’un prince apanage du XVe siècle. Les forces dont Louis XIV se fit accompagner constatent qu’il voulait être en mesure de réprimer sur les lieux mêmes toutes les tentatives de résistance maritime ou militaire dont ce malheureux, blasé sur les plaisirs, s’était complu à écrire dans ses loisirs de Saint-Mandé le périlleux roman. Fouquet était issu d’une honorable famille nantaise, et son père, que nous avons rencontré aux états comme commissaire du roi, avait, par la confiance du cardinal de Richelieu, figuré, triste rapprochement, parmi les juges du comte de Chalais ; mais Nicolas Fouquet, entre jeune dans le service des intendances, bientôt après procureur-général au parlement de Paris, avait fort peu de relations personnelles en Bretagne, et son nom n’y aurait pas fait remuer une paroisse, même dans la plénitude de sa puissance. Les grandes terres que Fouquet avait récemment achetées représentaient des revenus et non de l’influence. Ni Belle-Ile, ni Concarneau, malgré les grosses sommes dépensées pour les armer, n’auraient résisté à la sommation du plus mince officier de l’armée du roi, et tout ce que ce ministre pouvait attendre des amis de cour dont il escomptait si gratuitement l’assistance, c’était qu’en cas de malheur ils ne fussent pas les premiers à l’insulter.

En venant en Bretagne pour prévenir des résistances qui n’étaient pas à redouter, Louis XIV fit donc une chose inutile, et l’on se serait bien accommodé de ne pas payer les frais de ce royal voyage. Fidèle à la tradition qui voulait qu’une allocation extraordinaire fût votée chaque fois que le souverain honorait la province de sa présence, M. de La Meilleraye vint annoncer aux états rassemblés la très prochaine arrivée du roi, et demanda en termes pompeux que le don gratuit fut doublé et porté à 4 millions. Plus maîtres de leur joie que le gouverneur, les états répondirent par l’organe de l’évêque de Saint-Brieuc que sa majesté jugerait bientôt de la misère de la province, et qu’elle fixerait elle-même en connaissance de cause le chiffre auquel ses fidèles états s’empresseraient de souscrire, comptant sur sa justice comme sur sa bonté.

Les officiers de l’assemblée et les archivistes de la ville se mirent à dépouiller les procès-verbaux des précédentes entrées royales, et une armée de tapissiers était en voie de renouveler les merveilles qu’avait deux fois admirées Louis XIII, lorsque le 1er septembre au matin, le roi, se présentant avec peu de voitures à l’entrée de la ville, la traversa rapidement pour aller s’établir au château. Quelques instans après, il recevait le corps municipal précédé du