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d’expédions que marchaient les finances de l’ancienne monarchie. En présence de la résolution du gouverneur de prononcer la dissolution des états, ceux-ci estimèrent prudent de cesser une résistance inutile. Ils votèrent donc à peu près sans discussion le chiffre réclamé par les commissaires royaux avec les voies et moyens nécessaires pour y faire face ; ils ajoutèrent même, sur l’invitation officieuse du maréchal, une somme de 100,000 livres au chiffre du don gratuit, sous la condition que les quatre conseillers au parlement seraient autorisés à rentrer à Rennes, étrange rançon dont l’offre fut acceptée sans nul embarras. Les mêmes procédés furent employés et réussirent plus complètement encore aux états tenus à Saint-Brieuc en 1659, M. de La Meilleraye vint déclarer à l’assemblée qu’il avait l’ordre formel de réclamer 2,200,000 livres pour le don gratuit. Celle-ci offrit 2 millions, et, la discussion continuant, le gouverneur prévint messieurs des états avec une sorte de bonhomie que, s’ils ne se décidaient pas à déférer immédiatement à la volonté du roi, il suspendrait l’assemblée dès le mardi suivant pour la convoquer à Nantes, où il espérait la trouver plus docile. Cette menace eut son effet, et le vote eut lieu dans les termes indiqués. Outre les allocations ordinaires, 200,000 livres furent votées pour la reine-mère ; on y joignit d’abondantes gratifications au gouverneur, à son fils, au marquis de Coaslin, gendre du chancelier Séguier, aux secrétaires d’état et à leurs commis. Le prestige de l’autorité royale était déjà si grand que l’indépendance des états s’en trouvait visiblement entravée.

Au gouvernement personnel de Louis XIV s’arrête la vive impulsion imprimée par Richelieu à la liberté comme à la richesse de la Bretagne. Nous aurons à suivre durant un demi-siècle les conséquences du mouvement qui commençait, et qu’avait inauguré le jeune roi du vivant même de Mazarin, lorsqu’il entrait au parlement menaçant d’un geste souverain le banc des enquêtes, condamné au silence jusqu’à la fin du règne. Le cardinal avait à peine fermé les yeux, que Louis XIV chercha l’occasion de constater par un acte éclatant son aptitude à gouverner par lui-même. Les dilapidations et les projets insensés de Fouquet la lui fournirent. La sagacité, la discrétion et la force, ces trois qualités de l’esprit politique, se révélèrent dans les moyens combinés pour frapper le surintendant au milieu d’une cour remplie de ses pensionnaires, et pour prévenir en Bretagne jusqu’à l’ombre d’une résistance.

Des lettres patentes du mois de juillet avaient convoqué les états à Nantes pour le 18 août 1661. Le prétexte d’ouvrir cette assemblée manquait donc au roi, mais il colora son voyage dans cette province reculée par des motifs dont Fouquet, dans son infatuation persistante, ne pénétra pas la futilité, malgré des avis nombreux et