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l’effet désastreux de ces bombes, dont la puissance explosive et incendiaire serait combinée de façon à produire les plus terribles dégâts : le navire demeurerait probablement paralysé par les avaries occasionnées dans sa machine ou dans ses chaudières. Ces mortiers constitueraient dans l’avenir une arme bien plus redoutable que le canon, la seule peut-être qu’on pourrait opposer avec quelque efficacité à un ennemi qui voudrait profiter de ses qualités supérieures comme marche ou comme facultés giratoires pour couler son adversaire par le choc[1].

Il n’en est pas moins certain que l’artillerie ne peut plus être qu’un auxiliaire des nouveaux béliers à vapeur : dans tout combat poussé à outrance, le choc du bélier sera le dernier mot de l’affaire. L’artillerie ne remplira pas même la première phase du combat ; il serait déraisonnable d’engager la lutte par une canonnade à distance. Les nouveaux canons en effet traversent les murailles cuirassées à 1,000 et 1,200 mètres, mais seulement quand les projectiles arrivent normalement. Or dans un combat ce sera le cas très exceptionnel. Les boulets seront donc souvent inoffensifs ; ils n’auront aucune chance de paralyser le gouvernail ou la machine de l’adversaire, et s’ils lui tuent quelques hommes ou lui démontent quelques pièces, ils ne lui en laisseront pas moins toute sa valeur pour l’attaque à l’éperon. Le résultat le plus certain d’une pareille canonnade serait de perdre une partie notable de ses projectiles sans causer à l’ennemi des dommages sérieux. Aujourd’hui plus que jamais, avec une artillerie puissante, mais peu nombreuse, il faut éviter d’autant plus de gaspiller ses projectiles que le nombre de ceux qu’il est possible d’embarquer est plus restreint. Enfin, pour qu’un engagement d’artillerie puisse précéder, la charge à l’éperon, il faudra que les deux navires en présence veuillent bien s’y prêter. Si l’un d’eux commence par courir sus à l’ennemi pour essayer de l’aborder par le choc, celui-ci sera contraint de subordonner le feu de ses pièces à sa manœuvre, et dès lors il épiera, lui aussi, l’occasion de couler son adversaire avec la même arme : la joute à l’éperon sera commencée du chef d’escadre qui voudrait commencer le combat par une canonnade à distance s’exposera ! d’ailleurs à un bien grand danger. Il serait obligé en effet de ranger ses vaisseaux en ligne de file pour donner à son artillerie toute sa liberté d’action, et il se trouverait ainsi dans une situation peu favorable pour recevoir la première charge de l’ennemi. Le désordre

  1. Ces nouveaux mortiers n’existent pas encore, mais on dit que le général Treuille de Beaulieu en possède le secret, et que cet officier, qui a contribué pour une si large part aux récens progrès de l’artillerie, n’attend plus que le moment opportun pour produire ce nouvel engin.