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Je m’explique : la convention du 15 septembre 1864 n’était pas uniquement en effet un acte international couvrant d’une garantie diplomatique une situation dont le dernier mot était laissé à l’avenir ; au point de vue intérieur, elle était l’expression d’une pensée, c’est que l’Italie, confiante dans l’influence contagieuse de ses idées et de ses institutions, n’attendait la réalisation définitive de ses destinées nationales, le complément de son unité, c’est-à-dire la réunion de Rome, que de l’action morale, de la liberté, en d’autres termes de la large application du principe de l’église libre dans l’état libre, et par là elle se rattachait à la politique qui a fait l’honneur et la force de la révolution italienne, à cette tradition féconde qu’inaugurait Cavour lorsque dans son libéral langage il disait au parlement : « Je rappellerai à l’appui de nos propositions qu’elles sont conformes à tout notre système. Nous croyons qu’on doit introduire le régime de la liberté dans toutes les parties de la société religieuse et civile. Nous voulons la liberté économique, nous voulons la liberté administrative, nous voulons la pleine et absolue liberté de conscience ; nous voulons toutes les libertés politiques compatibles avec le maintien de l’ordre public, et par cela même, comme conséquence de cet ordre de choses, nous croyons nécessaire à l’harmonie de l’édifice que nous voulons élever que le principe de la liberté soit appliqué aux rapports de l’église et de l’état. » C’est l’idée qui a été à l’origine l’inspiration de la révolution italienne, qui est restée dominante tant qu’il y a eu un parti libéral assez puissant pour la soutenir ; c’est par fidélité à cette tradition qu’à la fin de l’année dernière encore, au lendemain de l’annexion de Venise, le président du conseil, M. Ricasoli, se tournant désormais vers Rome, proposait au parlement de proclamer la liberté religieuse par la séparation définitive de l’église et de l’état.

Il y a, par malheur depuis quelque temps au-delà des Alpes deux choses également sensibles, également redoutables, et qui ont entre elles un intime lien : la première, c’est la neutralisation des forces politiques du pays par la décomposition de tous les partis, de toutes les opinions. Autrefois, au commencement de la révolution, il y avait des partis, il y en avait un surtout qui marchait avec son drapeau et son chef, et qui était le solide appui d’un gouvernement résolu. Aujourd’hui toute cette vie publique s’est pulvérisée, les partis décomposés errent à l’aventure sans lien et sans direction, et, à vrai dire, depuis quelques années il n’y a pas plus de gouvernement que de partis, Il y a des hommes qui passent au pouvoir rassemblés un peu au hasard, manquant d’autorité et d’ascendant pour suivre une politique, ayant le sentiment de leur propre faiblesse, se soutenant tant qu’il ne se trouve pas dans la chambre quelques groupes