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que l’Italie est perdue, si on ne maintient pas les prérogatives du placet et de l’exequatur !… » M. Ricasoli lui-même, réduit à se justifier et revendiquant avec hauteur, selon sa coutume, la responsabilité de sa politique, caractérisait avec une force singulière cette situation où deux systèmes se trouvaient en présence, l’un tendant à la solution de la question romaine par l’action morale et la liberté, l’autre gardant son secret. « Excluant le cas qu’on puisse aller à Rome par la force, disait-il, nous avons cru qu’il fallait résoudre cette question par les moyens moraux et employer ceux-ci dans la mesure de l’opportunité. Il convenait au gouvernement du roi de pouvoir dire au monde catholique, soit par ses actes publics, soit dans ses relations diplomatiques : Vous n’avez aucune raison d’être en appréhension pour le pape ; ne voyez-vous pas comme nous traitons l’église ? En dégageant la question spirituelle, nous avons cru qu’avec le temps cela rendrait plus facile la solution de la question politique et civile. Par cette voie, nous pensions préserver de toute offense notre indépendance et notre dignité nationales. On enlevait à ceux qui parlaient au nom des intérêts catholiques le prétexte d’intervenir dans notre maison, et nous pouvions toujours leur répondre : Vous n’avez pas à entrer dans ces matières, nous pouvons et nous savons garder vos intérêts et les nôtres. Voilà notre pensée !… Si aujourd’hui on veut inaugurer un autre système, cela regarde ceux qui siègent sur ces bancs… » Et M. Ricasoli ajoutait d’un accent en vérité presque prophétique : « Messieurs, on peut me condamner ; mais prenez garde que l’avenir ne me donne raison !… » La gauche répondait alors : Non ! non ! Les faits ont parlé, et ont donné raison à M. Ricasoli.

Ainsi confusion des partis et des opinions conduisant à l’ambiguïté des situations, amoindrissement de l’idée de la liberté religieuse, c’est-à-dire de l’idée de l’action morale dans la politique italienne, et par cela même affaiblissement de l’autorité de la convention du 15 septembre liée à ce système, c’est là ce que je veux montrer, parce que là est en effet la clé de ce qui est arrivé. C’est la raison d’être de ces événemens qui n’eussent jamais été possibles, si l’Italie eût été conduite d’abord, si la politique libérale inaugurée par Cavour eût été maintenue ensuite avec une résolution virile. C’est la source complexe, obscure, mais réelle de cette crise, et le premier rôle revient incontestablement à deux hommes dont la rencontre n’est jamais d’un bon augure pour les affaires italiennes ni pour eux-mêmes, Garibaldi et M. Rattazzi, l’un le capitaine du peuple, se moquant parfaitement des moyens moraux et des combinaisons diplomatiques, l’autre arrivant au pouvoir pour ne rien faire, pour laisser tout faire ou pour finir par se jeter à la suite de