Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/736

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’est pas plus de la droite que de la gauche, pas plus libérale que révolutionnaire : c’est une succession d’expédiens combinés avec une équivoque dextérité, et même ses résolutions en apparence les plus extrêmes sont encore des expédiens.

Lorsque M. Rattazzi remontait au pouvoir au mois d’avril dernier, toute la force de son ministère reposait sur une de ces combinaisons ambiguës. Il était partisan de la liberté religieuse, il le disait du moins, il l’avait dit encore peu auparavant dans un manifeste à ses électeurs d’Alexandrie, et il avait pour alliées les fractions de la chambre qui ont le plus de préjugés contre la liberté appliquée aux rapports de l’église et de l’état ; il se laissait imposer des ordres du jour qui n’avaient certes rien de libéral, mais qui avaient pour lui l’avantage de ressembler à un blâme de ses prédécesseurs. Il arrivait en proclamant l’intention de maintenir l’autorité de la convention de septembre, et sa position parlementaire dépendait de la gauche, qui ne respectait guère cette convention, des Piémontais, qui malheureusement en haine de Florence en sont venus à crier aussi haut que Garibaldi : Rome ou la mort ! De là ces ambiguïtés où s’émousse le sentiment des grandes situations, où tout se subordonne à une sécurité vulgaire et éphémère. Si M. Rattazzi eût été un homme d’état, s’il eût considéré d’un regard ferme et pénétrant la situation de l’Europe, de la France et de l’Italie, il eût compris que ce n’était pas le moment de tenter ou de laisser tenter des aventures, que la meilleure et la plus sûre des politiques était encore de s’en tenir à la tradition libérale de la révolution italienne, de s’attacher résolument, effectivement, quoique sans enthousiasme, à cette convention du 15 septembre, œuvre de transition qui ne compromettait rien, qui n’engageait rien, qui assurait à l’Italie la faveur des circonstances, le bénéfice de l’action du temps ; mais pour cela il fallait se hâter, ne pas laisser flotter l’esprit public, faire sentir au pays une direction, une volonté devant laquelle dût s’arrêter même l’impatience d’un homme à qui le patriotisme ne donnait pas le droit de se mettre au-dessus de tout, de jouer la destinée d’une nation. M. Rattazzi le pouvait d’autant mieux qu’à l’origine cette nouvelle agitation garibaldienne n’avait rien de profond ; elle n’est devenue sérieuse que parce qu’on a cru aux connivences du gouvernement et parce qu’on a cru aussi aux connivences du gouvernement avec d’autres politiques. Les Italiens, sauf les Piémontais peut-être et les têtes chaudes du parti de l’action, n’avaient pas cette fureur qu’on suppose de se jeter sur Rome à tout prix, ou du moins, s’ils voulaient toujours Rome italienne, s’ils ne cessaient d’avoir en vue l’abolition du pouvoir temporel, ils n’étaient pas aussi pressés que Garibaldi de monter au Capitole au risque de