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un minimum de souveraineté politique en vue d’une destination toute spirituelle ! Et, cette difficulté même résolue, que fera le congrès ? A quoi s’arrêtera-t-il ? Laissera-t-il la décision qu’il aura prise dépourvue de toute sanction ? Alors ce ne sera plus qu’une grande et vaine consultation diplomatique qui aura le sort de toutes les consultations, c’est-à-dire qu’on écoutera ou qu’on n’écoutera pas. Le congrès au contraire voudra-t-il aller plus loin en couvrant d’une sanction effective ses délibérations ? Alors c’est une intervention permanente et collective dans les démêlés de l’Italie et de la papauté. On entre dans un fourré obscur et inextricable. La diplomatie, peut-on faire remarquer, a une base toute simple, toute pratique, implicitement acceptée comme la condition première d’une délibération européenne, c’est la possession actuelle : soit ; mais comme il a été prouvé que cette possession ne suffit pas, qu’elle n’est qu’une embarrassante anomalie, il faut la modifier, l’étendre, la fortifier par des garanties nouvelles, et on se retrouve toujours en face des mêmes difficultés. La vérité est qu’avec ou sans congrès, au point où en sont les choses, il n’y a plus qu’une solution possible, ce serait celle qui en laissant s’accomplir ce qui est inévitable, en dehors de toute considération de territoire et de juridiction politique, assurerait à la papauté une situation exceptionnelle, une souveraineté d’un ordre particulier fondée sur des immunités universellement reconnues, ayant ses ressources propres et constituant une garantie de liberté au moins aussi réelle que ce qui existe aujourd’hui. Le pape ne sera point indépendant, dites-vous ; l’est-il davantage parce qu’il a ces quatre palmes de terre dont il parlait lui-même et qu’il ne peut défendre qu’avec l’appui d’une force étrangère ? Il aura du moins l’avantage dans cet ordre nouveau d’être complètement affranchi de toutes ces solidarités terrestres faites pour enchaîner, pour compromettre son autorité morale. Tout le reste n’est qu’une combinaison vaine. Et si je voulais résumer d’un mot ce qui se dégage de toute l’histoire contemporaine, surtout de la dernière crise, je dirais qu’il y a sans doute encore une question de Rome considérée comme résidence de la papauté, il y a la question des moyens les plus propres à garantir le libre exercice du pouvoir spirituel du saint-siège ; il n’y a plus à vrai dire de question de pouvoir temporel : le temporel a été emporté par le mouvement des choses, et le mouvement des choses ne le fera pas revivre.


CHARLES DE MAZADE.