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et compromet ses destinées dans le monde. La leçon est parfaite, et elle est d’hier. Or c’est par les institutions intérieures, par les libertés qui excitent et entretiennent le travail des esprits, qui garantissent l’indépendance des citoyens, qui favorisent l’association des efforts patriotiques, qui permettent aux idées et aux intérêts de se réunir et de se balancer par de saines et de fécondes propagandes, que les peuples sont mis en possession du gouvernement d’eux-mêmes et deviennent maîtres de leurs destinées. C’est aux progrès qu’elle nous aura fait accomplir dans cette voie qu’il faudra mesurer les résultats de la session présente.

Cette nouvelle phase de vie politique, il ne faut point se le dissimuler, commence par une lutte accidentelle qui va faire au travail politique de la France une diversion malencontreuse. L’échauffourée romaine allume les passions d’un parti puissant et redoutable qui compose la majorité de nos assemblées. Elle est devenue l’occasion d’une grande bataille que le parti clérical et le faux parti conservateur qui unit l’intérêt de l’ordre à la défense du plus antique abus de théocratie subsistant encore en Europe livrent avec emportement aux principes et aux conditions des sociétés modernes. Il faut s’attendre à voir le paroxysme de cette lutte dans la discussion des affaires d’Italie et de Rome qui suivra les premières interpellations au sénat et au corps législatif. Il faut le laisser passer avec patience et avec sang-froid. Cette épreuve, n’en doutons point, sera pour tous les esprits doués de justice et de raison la condamnation définitive de l’intérêt dont nos adversaires croient en ce moment assurer le triomphe impossible. Voyez en effet comment la question romaine est posée maintenant par le parti clérical. On ose faire du maintien du pouvoir temporel la cause absolue de la dissolution d’une nation qui vient de renaître à peine à l’indépendance. On a la présomption de justifier sous les yeux du XIXe siècle la papauté de l’accusation que tous les grands génies et tous les grands patriotes italiens n’ont cessé depuis le moyen âge de porter contre les maux dont le pouvoir temporel a été la source pour l’Italie. On commet l’étourderie sacrilège de faire d’une institution religieuse la damnation d’un peuple. Au milieu d’une nation qui veut s’appartenir et vivre, on se propose de perpétuer un pouvoir qui ne peut subsister que par l’action violente et oppressive d’une intervention étrangère. On ne craint pas de faire revivre les argumens de ces étrangers qui en 1792 voulaient rétablir en France par une guerre impie l’ancien régime avec tous les privilèges temporels que ce régime donnait chez nous à l’église. Qu’avons-nous à perdre à voir s’exhaler ces extravagances ? Laissons passer ce délire. Le désordre et la folie de ses aveux ne peuvent donner que des forces nouvelles à la cause de la justice, de la raison et de la liberté.

Au surplus, tout cet emportement sera impuissant contre les forces positives qui gouvernent le monde. Tous les spasmes d’éloquence où