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rence ? Et d’abord toutes les invitations seront-elles acceptées ? Nous inclinons, pour notre compte, à le croire. Un des caractères saisissans de l’état de l’Europe, c’est la fragilité de la paix présente, le sentiment de cette fragilité que tous les témoignages officiels des cabinets laissent voir, et en même temps l’affectation avec laquelle tous les gouvernemens s’empressent d’étaler leurs intentions pacifiques. Tout le monde fait la cour à la paix. Il faudra donc que tout le monde, pour faire mine d’intention pacifique, vienne à la conférence. On nous doit aussi par courtoisie de se rendre à cette invitation ; tous les souverains ont recherché cette année l’hospitalité française à l’occasion de l’exposition. C’est bien le moins qu’ils nous envoient avec leurs diplomates leurs cartes de digestion. Enfin les deux puissances dont les prétentions forment le conflit, la cour de Florence et la cour de Rome, ont accepté la conférence ; aucun autre état ne saurait avoir plus de scrupules qu’elles à prendre en considération les plans d’arrangement, s’il en est de possibles. L’Italie, qui a bien plus d’intérêt à se trouver en face de l’Europe qu’à rester en tête-à-tête avec la France, a demandé la première le congrès : quant à la cour de Rome, quoique les arbitres qu’on lui propose soient naturellement peu de son goût, elle ne pouvait décemment nous refuser une complaisance après le service que nous venions de lui rendre. Jusqu’à présent, et c’est le meilleur moyen pour que la réunion s’accomplisse, l’invitation n’est point accompagnée de la proposition d’un programme dont la discussion préalable ferait sans doute reculer plusieurs cabinets. Si la réunion a lieu, on doit convenir que la première séance où on abordera l’affaire sera curieuse. On verra de belles fuites quand le mot de l’énigme sera dit.

On convoque en effet à ce concile diplomatique des puissances dont les principes peuvent tolérer un arrangement temporaire de la question romaine au profit du pape en exercice, mais s’opposent à une consécration générale du pouvoir temporel de la papauté. Telles sont évidemment l’Angleterre, la Prusse et la Russie. Puisqu’on était en veine d’appeler tant de monde, on ne voit pas pourquoi l’invitation ne s’est point étendue jusqu’à l’Amérique, qui certes a bien le droit d’avoir sa voix dans ce débat. Toutes les républiques américaines de race espagnole et l’empire portugais du Rrésil sont catholiques. Le catholicisme prospère aux États-Unis. Les républiques espagnoles ne sont point cléricales. Quant aux États-Unis, le pays par excellence de la séparation du spirituel et du temporel, il eût fait beau voir un successeur de Franklin venir exposer à la diplomatie radoteuse d’Europe les nobles résultats de l’indépendance des églises et des consciences puisant à larges mains et avec une franche loyauté leurs libertés religieuses dans les libertés politiques. Ce grand enseignement fera défaut au congrès européen ; mais les États-Unis nous le donnent en permanence par un spectacle qui relève l’homme