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qui trouvaient au Crédit foncier, disposant de l’émission illimitée des obligations communales, une caisse d’escompte inépuisable. La situation amenée par ces combinaisons semble s’être dévoilée tout d’un coup à ceux qui eussent dû la surveiller, la contrôler, la prévenir, et les a frappés de surprise. On assure que la ville de Paris a conclu de la sorte des engagemens dont la somme s’élèverait à 380 millions. Il s’agirait aujourd’hui de consolider cette dette flottante par un emprunt à long terme et, pour empêcher dans l’avenir les illusions d’un nouveau rêve mississipien sur les excédans de revenus, de consacrer ces excédans à opérer un dégrèvement des droits d’octroi. Il faut bien arranger cette irrégularité terrible, puisqu’on l’a laissé commettre ; mais qu’elle eût été possible, que la négligence des précautions et des garanties pût être poussée si loin, avec tant de laisser aller, et rencontrer tant de complaisance auprès d’une société dont les statuts sont une loi de l’état, c’est ce qu’on n’aurait jamais imaginé, ce qui eût même surpris les plus hardis et les moins scrupuleux financiers de l’ancien régime, et nous fera faire une sotte figure devant la postérité, si elle est sage.

Les chambres italiennes seront ouvertes le 5 décembre. Les amis de l’Italie ne sauraient leur recommander trop vivement la modération et la réserve. Une occasion leur est offerte de prouver au monde qu’il y a plus d’esprit politique en elles que dans les orateurs qui s’apprêtent à foudroyer l’Italie du haut de nos tribunes gauloises. Les Italiens le voient, la question romaine, pas plus pour le parti libéral que pour le parti clérical, n’est point seulement une question italienne, c’est une question éminemment française, qui importe autant aux intérêts de notre révolution et à l’avenir de la cause libérale en France qu’aux destinées italiennes. Que les chambres de Florence ne se laissent point emporter par les provocations qui pourraient leur être adressées d’ici. Le calme, la patience et la dignité sont les qualités avec lesquelles il faut relever l’Italie. Qu’on ne cherche point à compliquer et à fausser par des manœuvres muettes, entre autres par l’élection du président de la chambre des députés, l’attitude de la représentation italienne. On dit que les partis avancés veulent porter à la présidence M. Rattazzi. Ce serait un mauvais choix. Nous n’entrons point dans les divisions qui existent parmi les hommes politiques des pays étrangers. Nous ne savons ce qu’il faut reprocher à M. Rattazzi dans les incidens fâcheux de son ministère et de sa sortie du pouvoir, si c’est imprévoyance ou maladresse ou mauvaise chance. Le patriotisme devrait retenir lui-même M. Rattazzi dans l’écart d’une fausse démarche qui compromettrait l’intérêt de son pays. Il y aurait aussi, de la part des Italiens quelque injustice à se laisser aller à une manifestation personnelle qui pourrait paraître une manifestation d’hostilité contre le cabinet actuel. M. Ménabréa, on ne devrait point l’oublier à Florence, jouit en Europe d’une considération universelle. S’il a été obligé