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I.

De tous les services que la chimie industrielle peut être appelée à nous rendre, ceux qui concernent l’alimentation sont peut-être les plus précieux, ceux du moins dont volontiers on paraît disposé à lui tenir le plus de compte. Les chimistes semblent l’avoir compris, et l’exposition témoignait des nombreux efforts tentés soit pour nous fournir de nouvelles substances comestibles, soit surtout pour nous donner les moyens de tirer meilleur parti de celles que nous possédons. Extractum carnis, extrait de viande, tel est le nom donné par un chimiste allemand dont le nom fait autorité dans diverses branches de la science, M. Justus Liebig, au produit qu’il a réussi à extraire en grand des viandes fraîches de la Plata. On sait que les immenses prairies du bassin de la Plata sont parcourues par d’innombrables troupeaux de bœufs et de moutons. Une végétation vigoureuse, favorisée par un climat chaud et humide et par les émanations salines de la mer, leur offre dans ces pampas une nourriture abondante ; les animaux dont nous parlons y prospèrent et s’y multiplient en liberté. Les chasseurs pourtant n’y manquent pas, et il faut en vérité que le milieu soit bien propice à la propagation des espèces pour que ces troupeaux sauvages ne diminuent pas rapidement. C’est par centaines de mille qu’on doit compter le nombre de bêtes abattues chaque mois. Jusqu’à présent, c’était simplement pour le cuir et pour la laine qu’on faisait aux bœufs et aux moutons de la prairie une si rude guerre. La viande, les os, les tendons, d’un transport trop embarrassant et d’une conservation trop difficile eu égard aux moyens dont disposait cette sorte d’industrie rudimentaire, étaient abandonnés sur place. On s’est préoccupé à diverses reprises de mieux utiliser les produits de ces chasses. On songea d’abord à transporter les os en France et en Angleterre. Dans les contrées dont l’industrie est avancée, les os ont en effet acquit une valeur commerciale qui couvre le prix du fret ; ils constituent la matière première de plusieurs grandes fabrications. On les emploie en quantité considérable dans la tabletterie, on en extrait la gélatine ; c’est en les carbonisant dans des appareils spéciaux qu’on obtient le noir animal, substance décolorante énergique dont les sucreries en particulier font une grande consommation ; on en retire le phosphore ; enfin ils fournissent à l’agriculture des engrais aujourd’hui fort estimés. Les peaux elles-mêmes furent soumises à un traitement plus rationnel, qui permettait d’en tirer meilleur parti. Le pays n’offrant pas les ressources nécessaires à l’établissement de tanneries perfectionnées, on tenta d’exporter en