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glucose cristallisable et de sucre liquide ou incristallisable. Les travaux de M. Pasteur ont montré qu’outre cette modification il se produit pendant qu’un liquide sucré fermente trois corps nouveaux dont l’analyse n’était point avant lui parvenue à constater la présence dans les moûts. Ces trois corps sont l’acide succinique, la cellulose et une substance d’une saveur douceâtre et légèrement sucrée, la glycérine.

On voit quel rôle important et complexe joue la levure dans toutes les opérations de la fermentation alcoolique, par conséquent dans toutes les industries où intervient cette fermentation. C’est elle qui préside aux réactions dont le résultat final est la production de la bière. Dans les boulangeries, c’est elle qui sous le nom de levain détermine ce dégagement de gaz acide carbonique dont l’effet est de faire lever la pâte et de l’amener à un état de division et à un volume convenables au moment de la cuisson. On pourrait citer encore plusieurs industries où l’on ne fait pas un emploi moins utile des propriétés singulières de ces corpuscules organisés. C’était donc un problème plein d’intérêt que de les obtenir en grand dans des usines spéciales. Nous avons déjà indiqué que la levure se développait comme une végétation dans les cuves des brasseries. S’emparant de cette idée, on s’est mis en Autriche et en Moravie à cultiver ce végétal d’une espèce particulière sans y introduire l’amertume ni l’odeur forte du houblon ; de cette façon on est parvenu à en développer les qualités et à produire des fermens doués d’une énergie remarquable qui, sous un moindre volume, rendent avec plus d’activité que les fermens ordinaires les services qu’on demandait jusqu’alors à ceux-ci. La levure viennoise, désignée aussi sous le nom de levure pressée, se présentait dans les vitrines de l’exposition autrichienne sous la forme d’une substance grisâtre, compacte, se laissant déprimer sous les doigts et exhalant une odeur aigrelette à peine sensible. Cette substance, que la chaleur altère assez promptement, n’aurait pu, avant l’établissement des chemins de fer, arriver ici sans avoir subi des altérations profondes analogues à celles qu’éprouvent les matières animales en putréfaction. Voici comment on la fabrique, en obtenant en outre comme produits accessoires de l’alcool et un résidu, la drêche, très propre à l’engraissement des bœufs et des moutons.

Trois espèces de grains, le maïs, le seigle et l’orge germée ou malt, après avoir été réduits en poudre et mélangés, sont mis en macération dans l’eau à une température de 65 ou 70 degrés centigrades. Dans ces conditions, le principe actif développé par la germination préalable de l’orge, la diastase, réagit sur l’amidon et le transforme en deux autres principes immédiats solubles, la