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contrée d’Europe où, peu après la conquête arabe, on ait fait du papier, et il semble avoir conservé longtemps une certaine supériorité dans cette industrie. Vers le milieu du XIIe siècle, Xativa, aujourd’hui San-Felipe, non loin de Valence, était renommée pour ses fabriques de papiers, et un auteur arabe, Édrisi, écrivait qu’elle en produisait de si beau « qu’on n’eût pas trouvé le pareil dans tout l’univers. » C’est au siècle suivant que des papeteries, copiées sur celles des Arabes, se fondèrent en France, à Troyes d’abord, puis à Essonne. Une lettre du sire de Joinville à Louis IX, datée de 1270, est écrite sur du papier provenant de cette industrie naissante. Au XIVe siècle, des usines semblables s’élevèrent à Nuremberg et dans plusieurs villes d’Italie, à Fabriano en Piémont, à Colle en Toscane, à Padoue. Ce n’est qu’au XVe que l’Angleterre, qui jusque-là faisait venir son papier de France, se mit à en fabriquer à son tour : Elle réussit peu d’abord. Les beaux papiers continuèrent, pendant près de deux siècles, à lui être expédiés de France et de Hollande ; mais en 1690 Whatman, après avoir visité les principales papeteries du continent, fonda l’usine de Maidstone, qui conquit tout de suite et qui a gardé depuis une grande célébrité.

Les procédés de fabrication cependant étaient restés à peu près stationnaires pendant cette longue période. Robert leur fit faire un pas décisif en 1790, lorsqu’il réalisa dans l’usine d’Essonne la première idée de la production mécanique du papier en bandes continues. Cette invention fut plus appréciée d’abord en Angleterre qu’en France. Didot Saint-Léger, Gamble, Fourdrinier et le mécanicien Donkin ont attaché leurs noms à la réalisation manufacturière de l’idée de Robert en établissant de l’autre côté de la Manche des machines à papier montées avec une admirable précision. La fabrication mécanique, désormais devenue industrielle, reparut en France en 1811. Les ateliers du constructeur Calla furent les premiers d’où sortirent des machines à papier dont Didot Saint-Léger-avait donné les plans. Nous ne pouvons entrer ici dans le détail des perfectionnemens successifs que MM. Canson, Crompton, Frédet, Planche et un grand nombre d’autres ingénieurs et fabricans ont successivement apportés à la disposition des appareils. Le but de tous les efforts était de remplacer dans les manipulations le travail à la main par le travail plus économique et plus régulier des machines. Pour donner une idée des difficultés inattendues que présentait la solution de ce problème, nous choisirons une des opérations les plus simples, le collage à la gélatine, qui semblait se prêter aisément à un traitement mécanique, et qui n’en a pas moins tenu en haleine, avant d’être tout récemment obtenu à la machine d’une manière irréprochable, plusieurs générations d’inventeurs. Le