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tarir, et les besoins de la consommation croissaient au contraire très rapidement à mesure que l’instruction et le bien-être augmentaient dans les divers pays. De cette double cause ont dérivé les progrès dont nous sommes aujourd’hui témoins.

L’idée de fabriquer du papier avec des fibres végétales est relativement assez récente. Dans les premiers temps où la pensée des hommes put se transmettre à l’aide de caractères, on écrivit sur des tablettes minérales et des feuilles d’écaille ou d’ivoire. On apprit ensuite à préparer les peaux minces des animaux et à en faire une espèce de parchemin analogue à celui qui est encore, mais exceptionnellement, employé de nos jours. On utilisa plus tard un produit végétal fourni par le papyrus. Cette invention avait été faite dans le Nouveau-Monde aussi bien que dans l’ancien, car lorsque les Espagnols débarquèrent au Mexique, ils trouvèrent les indigènes, en possession d’une membrane végétale dont ils se servaient comme de papyrus. C’était l’épiderme facile à enlever des feuilles épaisses de l’agave d’Amérique, plante très répandue dans ces contrées. Tout porte à croire que l’invention du papier formé de fibres végétales est due aux Chinois. On retrouve dans les plus anciennes papeteries de France les procédés chinois de broyage au pilon. Transmis aux Persans vers l’an 650, adoptés par les Arabes un demi-siècle plus tard, ces procédés furent apportés par ces derniers en Espagne et pénétrèrent de là dans le reste de l’Europe. A l’origine, on n’avait guère utilisé dans l’extrême Orient, pour la fabrication du papier, que les fibres végétales ou les feuillets détachés du liber de certaines plantes arborescentes, entre autres du bambou, et les poils implantés sur les graines des cotonniers. La Chine produit encore aujourd’hui des papiers de ce genre. Beaucoup, formés du liber de végétaux ligneux, sont d’une finesse extrême et d’une ténacité remarquable. Ornés généralement de dessins et de peintures, ils remplacent dans beaucoup de provinces du Céleste-Empire les carreaux de verre qui garnissent chez nous les châssis des fenêtres. Sous le nom de papier de riz, les Chinois se servent aussi, pour dessiner au pinceau, d’un produit dont le principe de fabrication est tout différent. Ce sont des feuillets très minces découpés avec beaucoup d’habileté dans la moelle de l’aralia papyrifera ; le tissu cellulaire naturel n’a subi aucune autre préparation. Cette industrie doit être également fort ancienne. En Espagne, les Arabes n’avaient à leur disposition aucun des végétaux d’où les papeteries tiraient en Chine la matière première. Ils essayèrent avec succès de substituer aux fibres textiles fournies par le cotonnier ou le bambou celles que donne le lin, qui prospère très bien en Espagne. Le royaume de Valence est la première