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privilèges et refuser d’admettre dans leurs murs une garnison, ainsi qu’ils l’avaient fait cinq mois auparavant. L’appréhension d’une résistance, si impossible et si invraisemblable qu’elle fût, paraît cependant avoir existé chez M. de Chaulnes. Cette appréhension peut seule en effet expliquer, sans les excuser, les lettres bienveillantes que le gouverneur adresse pendant sa marche à la communauté de Rennes pour lui annoncer son retour prochain et lui donner l’assurance que la marche des troupes ne la concerne en aucune façon. Ici le caractère de M. de Chaulnes est fort gravement compromis, car au reproche de cruauté vient s’ajouter l’imputation d’une trame ourdie de longue main et reposant sur un mensonge.

Les deux lettres rassurantes adressées à la ville de Rennes sont en effet en contradiction formelle avec celles que le gouverneur ne cessa d’écrire aux ministres depuis le commencement de l’insurrection. Dans sa correspondance administrative, il insiste en toute occasion pour qu’il soit fait à Rennes un exemple rigoureux, mais nécessaire, de manière que cette ville soit mise hors d’état de s’opposer dans l’avenir à aucune des volontés du roi. Dès le 12 juin 1675, le gouverneur dénonçait à Colbert et à Pomponne le parlement de Bretagne comme le centre de toutes les résistances qui surgissaient alors dans la province contre les nouveaux impôts. « Les personnes du palais répandent chaque jour ici mille bruits contre l’autorité du roi, disant qu’il ne la faut laisser croître en la personne de ceux qui commandent, et le parlement a profité de mon absence pour faire des cabales dont on voit présentement les effets. » Dès la même époque, il n’hésite pas sur la nécessité de raser les faubourgs de Rennes, afin de s’assurer contre la mauvaise volonté des habitans, « qui sont unanimes à blâmer les mesures ordonnées par sa majesté. Le remède est de ruiner entièrement les faubourgs de cette ville. Il est un peu violent ; mais c’est, dans mon sens, l’unique. Je n’en trouve même pas l’exécution difficile avec des troupes réglées. Il faut de nécessité s’y résoudre, et par les mesures que je prendrai à propos je ne doute pas que l’on y puisse réussir ; mais sans cela l’on ne se peut jamais assurer de cette ville. Il ne faut pas pour cela que les troupes viennent séparément, mais en même temps. Peu d’infanterie suffira. » La résolution d’appliquer ce remède était donc arrêtée depuis plusieurs mois dans l’esprit du duc de Chaulnes, et lorsqu’il faisait dire aux magistrats de Rennes que l’arrivée des troupes ne concernait cette ville en aucune façon, ce procédé inqualifiable ne trouvait pas même d’excuse dans l’appréhension d’une résistance dont la pensée ne pouvait venir à personne.

Ce fut le 11 octobre que le gouverneur entra dans Rennes à la tête des troupes, « l’infanterie mèche allumée des deux bouts et