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les cellules organiques animales ou végétales, il en est qui réduisent l’acide carbonique et dégagent de l’oxygène, d’autres qui absorbent l’oxygène et dégagent de l’acide carbonique ; enfin certaines cellules ou produits de cellules (fermens solubles) président à des phénomènes de fermentation ou de dédoublement qui donnent naissance à de l’alcool, à de l’acide acétique, à des acides gras, à de la glycérine, à de l’urée, à des essences végétales, etc. Or ce sont là des phénomènes et des produits que le chimiste peut imiter et refaire dans son laboratoire en mettant en jeu les forces chimiques minérales, qui sont au fond exactement les mêmes que les forces chimiques organiques ; mais dans l’être vivant, je le répète, les phénomènes sont réalisés à l’aide de procédés vitaux et de réactifs chimiques organisés, créés par l’évolution histologique et par conséquent spéciaux à l’organisme et inimitables pour le chimiste.

Dans l’ordre mécanique ou physique, les phénomènes de l’organisme vivant n’ont rien non plus qui les distingue des phénomènes mécaniques ou physiques généraux, si ce n’est les instrumens qui les manifestent. Le muscle produit des phénomènes de mouvement qui, comme ceux des machines inertes, ne sauraient échapper aux lois de la mécanique générale, ce qui n’empêche pas que le muscle ne soit un appareil de mouvement spécial à l’animal, et dont le jeu est réglé par les nerfs au moyen de mécanismes également spéciaux à l’être vivant. Les êtres vivans produisent de la chaleur qui ne diffère en rien de la chaleur engendrée dans les phénomènes minéraux, si ce n’est le procédé vital de fermentation ou de combustion qui lui donne naissance. Les poissons électriques forment ou sécrètent de l’électricité qui ne diffère en rien de l’électricité d’une pile métallique, ce qui n’empêche pas l’organe électrique de la torpille, par exemple, d’être un appareil vital tout à fait particulier, réglé par le système nerveux et que le physicien ne peut imiter. Il en serait de même des fonctions des nerfs et des organes des sens, qui ne sont que des instrumens de physique spéciaux aux êtres vivans.

Il n’y a donc en réalité qu’une physique, qu’une chimie et qu’une mécanique générales, dans lesquelles rentrent toutes les manifestations phénoménales de la nature, aussi bien celles des corps vivans que celles des corps bruts. Tous les phénomènes, en un mot, qui apparaissent dans un être vivant retrouvent leurs lois en dehors de lui, de sorte qu’on pourrait dire que toutes les manifestations de la vie se composent de phénomènes empruntés, quant à leur nature, au monde cosmique extérieur, mais possédant seulement une morphologie spéciale, en ce sens qu’ils sont manifestés sous des formes caractéristiques et à l’aide d’instrumens physiolo-