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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/885

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giques spéciaux. Sous le rapport physico-chimique, la vie n’est donc qu’une modalité des phénomènes généraux de la nature ; elle n’engendre rien, elle emprunte ses forces au monde extérieur, et ne fait qu’en varier les manifestations de mille et mille manières. Ne pourrait-on pas ajouter que l’intelligence elle-même, dont les phénomènes caractérisent l’expression la plus élevée de la vie, se révèle en dehors des êtres vivans dans l’harmonie des lois de l’univers ? Mais nulle part ailleurs que dans les corps vivans elle n’est traduite par des instrumens qui nous la manifestent sous la forme de sensibilité, de volonté. Ainsi se trouverait réalisée la pensée antique, que l’organisme vivant est un microcosme (petit monde) qui reflète en lui le macrocosme (grand monde, l’univers).

De ce qui précède, il résulte évidemment que le physiologiste, le chimiste, le physicien, n’ont en réalité à considérer que des phénomènes de même nature, qui doivent être analysés et étudiés par la même méthode et réduits aux mêmes lois générales. Seulement le physiologiste a affaire à des procédés particuliers qui sont inhérens à la matière organisée, et qui constituent par conséquent l’objet spécial de ses études. La physiologie générale se trouve ainsi ramenée à être la science expérimentale qui étudie les propriétés de la matière organisée et explique les procédés et les mécanismes des phénomènes vitaux, comme la physique et la chimie expliquent les procédés et les mécanismes des phénomènes minéraux.

Si maintenant le physiologiste expérimentateur veut arriver à régir les phénomènes physiologiques dans l’être vivant, comme le physicien et le chimiste gouvernent les phénomènes physico-chimiques dans la nature inorganique, son problème sera réduit exactement aux mêmes termes. En effet, le physicien et le chimiste rattachent l’explication des phénomènes aux propriétés des élémens inorganiques. De même le physiologiste doit rechercher dans l’être vivant les élémens organiques dans lesquels se localisent les fonctions, et déterminer les conditions d’activité vitale de ces élémens sur lesquels il peut agir. Les élémens organiques des corps vivans sont les élémens anatomiques ou histologiques dans lesquels se décomposent nos organes et nos tissus. La science de l’organisation en est arrivée aujourd’hui à montrer qu’un corps vivant, quelle qu’en soit la complexité, est toujours constitué par la réunion d’un nombre plus ou moins considérable d’organismes élémentaires microscopiques dont les propriétés vitales diverses manifestent les différentes fonctions de l’organisme total[1]. Il résulte de là que chaque fonction doit avoir son élément organique correspondant, et l’objet

  1. Voyez la Revue du 1er septembre 1864 : Le Curare.