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La physiologie expérimentale, ayant son problème spécial, constitue une science expérimentale autonome qui, dans l’ordre des sciences biologiques, est tout aussi distincte et indépendante de la zoologie et de la botanique que la chimie, dans l’ordre des sciences minérales, est indépendante de la géologie et de la minéralogie. Dès lors la physiologie expérimentale doit posséder ses moyens particuliers de travail scientifique, séparés de ceux de la zoologie et de la botanique. C’est là un point capital dans la question qui nous occupe.

Un des obstacles que la physiologie expérimentale a dû rencontrer nécessairement dans son évolution, c’est l’antagonisme des naturalistes, — zoologistes, botanistes, anatomistes, — qui, pensant que la physiologie rentrait dans leur domaine et leur appartenait, réclamaient pour leurs musées et leurs collections toutes les améliorations à faire dans les sciences biologiques, et s’opposaient à la création de laboratoires indépendans et de chaires spéciales de physiologie. C’est une loi commune dans les sciences comme dans toutes les institutions humaines que le progrès ne se fasse que par la lutte ou tout au moins à la suite d’efforts longtemps répétés ; mais aujourd’hui la physiologie a conquis l’indépendance scientifique, et les conséquences de cette conquête se font sentir chaque jour de plus en plus dans l’organisation de son enseignement. On sépare maintenant l’enseignement de la zoologie et de l’anatomie de celui de la physiologie, et de grands et beaux laboratoires de physiologie expérimentale, sous le nom d’instituts physiologiques[1], s’élèvent à côté des musées des zoologistes et des botanistes, comme les laboratoires de chimie et de physique se sont élevés à côté des musées du géologue et du minéralogiste.

La France a marché en avant dans l’initiation aux découvertes et aux idées qui ont provoqué la rénovation de la physiologie expérimentale moderne, mais il reste des réformes à faire pour installer cet enseignement. Partout la physiologie expérimentale est appréciée et accueillie comme la science moderne qui monte à l’horizon et à laquelle est réservé le plus brillant avenir. Elle a des laboratoires spéciaux et des chaires séparées qui se multiplient de plus en plus dans les universités de la Russie, de l’Allemagne, de la

  1. À Heidelberg, la chaire d’anatomie et de physiologie a été divisée, et le bel institut physiologique de M. Helmholtz a été créé. À Berlin, la chaire d’anatomie, zoologie et physiologie de J. Müller a été partagée : M. Reichert a été chargé de la zoologie et anatomie, et M. Du Bois-Reymond de la physiologie. À Wurtzbourg, la chaire d’anatomie et physiologie a été également divisée. À Upsal, on a opéré dernièrement la même séparation, et on a créé une chaire de physiologie. Ces exemples sont suivis dans beaucoup d’autres universités.