Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/941

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’opération qu’ils allaient entreprendre devait précisément se terminer pour eux par le plus désastreux des revers et leur démontrer combien ils s’étaient déçus en se figurant que leurs adversaires étaient réduits à la dernière extrémité. Le 22 septembre à sept heures et demie du matin, la flotte cuirassée de l’amiral Tamandaré remonta le fleuve, força l’estacade qui barrait le chenal à une faible distance en aval de Curupaity, et, choisissant près de la rive droite une position peu dangereuse, commença le bombardement des batteries de Lopez, que commandait le général Diaz, naguère encore simple soldat aux pieds nus. Les Paraguayens répondirent à peine, et l’on put croire qu’ils avaient beaucoup souffert. À midi, le général Mitre, s’imaginant sans doute que les canons de l’ennemi étaient déjà démontés, donna l’ordre de l’attaque sur le front méridional des défenses de Curupaity. Quatre colonnes d’assaut se dirigèrent à la fois de Curuzu vers les retranchemens de l’ennemi. À gauche, appuyées par le feu de l’escadre, marchaient parallèlement au fleuve les deux colonnes brésiliennes du baron de Porto-Alegre, fortes d’environ 8,000 hommes. À droite, les deux colonnes argentines, dont l’effectif était plus élevé d’à peu près un millier de combattans, s’élançaient à l’assaut en longeant la rive occidentale de la lagune de Piris. Le général Florès, à la tête de 3,000 excellens cavaliers, Orientaux pour la plupart, avait mission d’opérer sur l’autre bord de cette lagune et d’inquiéter du côté de l’est les défenseurs de Curupaity, tandis que le gros de l’armée brésilienne, commandé par le maréchal Polydoro, devait sortir de ses lignes de Tuyuti pour marcher directement à travers les bois sur Humayta. Le plan du président Mitre était d’attaquer ainsi les trois faces des retranchemens paraguayens : à l’ouest par les vaisseaux de l’escadre, au sud par ses colonnes d’assaut, à l’est par l’armée de ! Polydoro et la cavalerie de Florès ; malheureusement pour lui, ce plan ne fut exécuté qu’en partie. Le baron de Tamandaré, craignant de voir sombrer ses navires, se tint à une distance respectueuse des batteries du fleuve, et, plus timide encore, le maréchal Polydoro se contenta de ranger ses troupes en ligne de bataille. Pendant ce temps les Argentins et les soldats de Porto-Alegre, essayant vainement de franchir les abatis d’arbres épineux et les larges fossés qui défendaient les abords de Curupaity, se laissaient mitrailler presque à bout portant par les canonniers paraguayens. Lorsque les colonnes d’assaillans, éclaircies par les balles et les boulets, renoncèrent enfin à leur œuvre impossible, 6,000 morts ou blessés, plus du tiers de l’armée, étaient épars sur le sol parmi les arbres abattus et les rameaux brisés. Çà et là brûlaient les hautes herbes des clairières, et les Paraguayens durent sortir de leurs