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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/948

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les ressources militaires. Aussi l’armée brésilienne reçut-elle de fort mauvaise grâce le généralissime étranger, et de toutes parts retentirent des plaintes contre l’intrus, qui, sans contribuer aux charges de la guerre, prétendait en recueillir la gloire. Des officiers donnèrent leur démission pour n’avoir pas à prêter obéissance au président argentin, et le marquis de Caxias lui-même, tenu à plus de circonspection que ses subordonnés, ne sut point cacher complètement son dépit. Dans une dépêche en date du 8 août, il relève avec une certaine aigreur que le général Mitre a jugé convenable d’être seul pour rédiger le plan des opérations communes.

Du reste on attend encore l’exécution de ce plan si longuement mûri, et l’on se demande même s’il est possible de tenter quelque entreprise sérieuse. Les avantages obtenus par le déplacement du camp brésilien se réduisent à bien peu de chose. Il est vrai qu’en se portant à l’est du « quadrilatère » occupé par les forces paraguayennes, les assiégeans ont diminué d’un petit nombre de kilomètres l’espace qui les sépare de la citadelle d’Humayta ; mais d’un côté comme de l’autre ils auront, s’ils se hasardent à tenter l’assaut, les mêmes obstacles à vaincre, les mêmes hommes à combattre. Sans doute maintenant il leur est beaucoup plus facile d’inquiéter les communications de la forteresse avec l’intérieur de la république ; toutefois ce n’est qu’en s’exposant eux-mêmes à être coupés de leur ligne d’approvisionnemens et à souffrir la famine. La seule utilité réelle qu’ait eue pour les Brésiliens la translation de leurs tentes est celle de leur avoir procuré une position militaire moins insalubre que Tuyuti. Le nouveau camp, défendu au nord par le cours de l’Arroyo Hondo, tributaire du Paraguay, comprend les terres hautes de San-Solano, parsemées de bouquets de palmiers, et des savanes élevées que n’atteint jamais le niveau de l’inondation ; quant au quartier-général, il se trouve dans Une « vasière desséchée, » car telle est en guarani la signification du mot Tuyucué, dérivé comme Tayuti du radical tuyu (boue). D’anciens bourbiers sont évidemment préférables à des fondrières encore emplies de fange ; mais les fièvres paludéennes et les maladies épidémiques ne peuvent manquer de s’y développer également pendant les chaleurs de l’été, alors que les eaux baissent dans les lagunes, et que les matières putréfiées se dessèchent au soleil. Aussi, vers la fin de septembre, dès que la saison torride eut commencé dans cette région du Paraguay, le choléra fit de nouveau son apparition dans le camp brésilien, et les populations de Buenos-Ayres et de plusieurs autres villes argentines ont dû imposer de rigoureuses quarantaines à tous les navires sortis du port d’Itapirù. D’ailleurs, il faut le dire, les mesures de précaution les plus élémentaires sont