négligées par les inspecteurs du camp, et dans certains cas les placiers eux-mêmes semblent prendre à tâche d’augmenter les causes d’insalubrité. Un ancien canal du Parana qui permettait aux embarcations de remonter jusqu’à la berge même du village d’Itapirù s’étant récemment envasé, on y a construit une chaussée carrossable en se servant de cornes de bœufs, de carcasses d’animaux, de foin et de maïs en décomposition. Les quais où doivent s’entreposer toutes les denrées nécessaires à l’alimentation de l’armée sont ainsi transformés en foyers de pestilence.
En obérant son mouvement sur Tuyucué, l’armée brésilienne s’attendait à être immédiatement soutenue dans sa marche par une diversion de la flotte. Le soldat le moins expérimenté comprenait sans peine que, si les navires cuirassés ne forçaient le passage du fleuve pour aller ravitailler les troupes en amont de la forteresse d’Humayta, toute campagne sérieuse dans l’intérieur du Paraguay serait absolument impossible. Cependant plus de trois semaines s’écoulèrent sans que la flotte quittât son ancrage en face des batteries abandonnées de Curuzu. L’irritation grandissait peu à peu dans les camps : on accusait les marins de pusillanimité, on se moquait de cette inutile canonnade qui tonnait depuis des mois jour et nuit contre les batteries de Curupaity. Enfin on apprit avec joie que, sur l’ordre exprès venu de Rio-de-Janeiro, l’amiral faisait ses préparatifs pour la difficile aventure dont il était chargé. Le 14 août au soir, tous les navires étaient à leur poste, et les équipages attendaient l’ordre de départ. Une bizarre proclamation, unique peut-être dans l’histoire des guerres modernes, venait de mettre la flotte, par un jeu de mots pieux, sous la protection de la Vierge, et les superstitieux matelots se répétaient ces paroles d’heureux présage ; « Brésiliens ! soyez remplis d’espoir ! La sainte église a donné la mère de Dieu pour patronne au 15 août : c’est demain la fête de la sainte Vierge-de-Gloire, de Notre-Dame-de-Victoire, c’est le jour de l’Assomption ! C’est donc avec la gloire et la victoire que, nous irons à l’Assomption ! »
Au matin de ce grand jour qui devait éclairer le triomphe des Brésiliens, l’amiral Ignazio hissa le pavillon de départ sur le vaisseau le Brasil, et la flotte se mit en marche pour forcer le passage de la rivière. Un petit vapeur en bois, le Lindoya, garanti contre le canon de la forteresse par la masse épaisse du Brasil, accompagnait ce grand navire ; mais tous les autres bâtimens qui se