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VI

Le poids de la guerre retombant presque en entier sur le Brésil, on ne saurait s’étonner qu’il montre déjà les signes d’une bien grande lassitude. Seules dans toute l’étendue de l’empire, les populations du Rio-Grande-do-Sul sont assez rapprochées du Paraguay pour que la lutte les passionne et que la défaite leur fasse craindre des représailles : aussi est-ce dans cette province que le gouvernement a trouvé en proportion le plus grand nombre de volontaires ; Dans les autres parties du Brésil, à une distance de plusieurs milliers de kilomètres de la république >du Paraguay ; les habitans ne sauraient éprouver pour la conquête du fort si lointain d’Humayta cette rage militaire qui porte à sacrifier joyeusement sa vie ; ils se bornent à faire des vœux en faveur des succès de leurs compatriotes et ne se laissent arracher que par la force à leurs occupations ordinaires. Bien que dans la nation il ne se trouve pas moins d’un million d’hommes valides, le nombre des engagés volontaires ne s’est pas même élevé à la cinquantième partie de ce chiffre, et, quand le pays a perdu sa première armée de 30 à 40,000 combattans, il a fallu, pour remplacer les victimes, armer jusqu’aux criminels et payer à grand prix des régimens d’esclaves. Récemment de nouveaux gouverneurs ont été envoyés dans la plupart des provinces, avec mission de presser de toutes leurs forces l’opération du recrutement ; malheureusement les moyens qu’ils doivent employer pour arriver à leurs fins sont de nature à calmer tout ce qui peut rester d’enthousiasme guerrier chez les populations.

La longue lutte n’a pas seulement rendu le recrutement très difficile, elle a aussi presque épuisé les ressources du pays et jeté le gouvernement dans les plus cruels embarras financiers. Les emprunts, soit à l’étranger, soit dans le pays lui-même, étant devenue complètement impossibles, il est désormais indispensable d’émettre du papier-monnaie en quantité relativement énorme. Déjà, vers le milieu du mois d’août 1867, lors de la discussion du budget par l’assemblée générale, la circulation fiduciaire, comprenant 110 millions de billets d’état et 180 millions de billets de la banque du Brésil, s’élevait à 290 millions. À cette masse de papier, la loi votée par le parlement vient d’ajouter encore une nouvelle émission de 145 millions, en sorte que l’empire brésilien, avec ses 8 millions d’habitans libres, emploie pour ses échanges près d’un demi-milliard de billets et d’assignats garantis par un trésor sans ressources. Dans le monde entier, il n’est pas un seul pays qui ait en